François Bousquet, “Vladimir Dimitrijević, le feu sacré du verbe”
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By Jean-Claude on juillet 2nd, 2022
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Vladimir Dimitrijević, le feu sacré du verbe
Il y a 11 ans, un 28 juin, jour anniversaire de la bataille du « champ des Merles » qui marque les débuts de l’occupation ottomane de la Serbie, le grand, l’immense éditeur Vladimir Dimitrijević (1934-2011) mourait accidentellement sur les routes de la Nièvre. Pierre Gripari, le Martien des lettres françaises, l’appelait le « protecteur des lettres européennes », une sorte de chevalier errant, Don Quichotte balkanique qui n’avait peur de rien. Les autres l’appelaient Dimitri. Dieu qu’il nous manque !
C’était un personnage extraordinaire comme on n’en rencontre jamais trop dans une vie d’homme. L’un de ces hommes impossibles à vivre, mais sans lesquels on ne saurait vivre. Le sel de la terre, mêlé d’un peu de soufre, d’où il sortait des étincelles, parfois même des explosions. Il était né à Skopje en 1934, en Macédoine, dans un univers encore féodal, longtemps mis en coupe réglée par les Ottomans, alors que les Serbes étaient les « débiteurs éternels » des Turcs comme dans la nouvelle à couper le souffle d’Andjelko Krstić. Ce fut ensuite le maréchal Tito, pur produit du stalinisme reconverti en vedette hollywoodienne de la tyrannie à visage humain, qui saigna, avec la bénédiction de l’Occident, la nation de Tsernianski et de Mihailović (« Serbie faible, Yougoslavie forte »). Dans les années 1950, Belgrade, où les Dimitrijević avaient trouvé refuge, capitale bombardée coup sur coup par les Allemands en 1941 et par les Anglo-Américains en 1944, était devenue une ville fantomatique sans avenir pour les jeunes gens aux semelles de vent. Dimitri s’envola vers la Suisse, où, après avoir été ouvrier d’usine, footballeur semi-professionnel et libraire, il fonda, en 1966, l’Âge d’Homme. C’est cette aventure, près d’un demi-siècle d’édition, qu’il a racontée à Gérard Conio avant sa mort accidentelle, survenue en 2011, dans la Nièvre, Béni soit l’exil !, sous-titré : « propos d’un éditeur engagé ». Et on peut croire qu’ils le sont.
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