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NIKOLAÏ KHARDJIEV À VADIM KOZOVOÏ SUR LES PRÉSUMÉS FAUX PASTELS DE LARIONOV
By Jean-Claude on Mai 1st, 2023
NIKOLAÏ KHARDJIEV À VADIM KOZOVOÏ SUR LES PRÉSUMÉS FAUX PASTELS DE LARIONOV
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GÉRARD CONIO Un navet est-il le fait des amateurs ou des professionnels ? ( Réflexions sur « Mon Crime » de François Ozon).
By Jean-Claude on Avr 20th, 2023
GÉRARD CONIO
Un navet est-il le fait des amateurs ou des professionnels ?
( Réflexions sur « Mon Crime » de François Ozon).
Le mot « navet » qui jadis désignait les films qui ont manqué leur cible semble aujourd’hui tomber en désuétude. Les critiques qui, pour la plupart, sont téléguidés pour vanter les produits les plus avariés de la production cinématographique ou théâtrale, l’emploient rarement. Et seuls les spectateurs qui ont connu l’âge d’or du cinéma français, ont recours à ce terme péjoratif pour exprimer leur sentiment d’avoir été trompés sur la marchandise. Non pour se livrer à une comparaison avec les films du passé, car même à cette époque il y avait des « navets » qui se distinguaient aisément des chefs-d’oeuvre qui sont entrés dans l’histoire. Si dans le vocabulaire « les navets » ont pratiquement cessé d’exister, il n’en est pas de même dans la réalité. Et j’ai eu la chance de voir récemment un film qui mérite pleinement cette appellation négative. C’est « Mon Crime » de François Ozon qui fait l’objet des dithyrambes des critiques professionnels. Dans mon cinéma de quartier il tient l’affiche depuis longtemps et hier encore quand j’ai pris le risque de perdre deux heures et 8 euros 50, il a fait salle comble.
On objectera que l’appréciation d’une œuvre d’art dépend de la subjectivité de chacun . Mais il y a des critères de la vérité artistique qui permettent de déceler ses failles. Ces critères sont ceux d’une « œuvre d’art » en général, mais en fait il paraît difficile d’appliquer le « navet » à un autre genre que le cinématographe et il ne me viendrait pas à la bouche à propos d’une pièce de théâtre ou d’un tableau dans une exposition. Si le « navet » reste attaché au cinéma, c’est sans doute parce que le cinéma est un art industriel et on peut supposer que « le navet » se rapporte avant tout à un échec commercial. Si c’est souvent le cas, surtout à Hollywood, on ne saurait pourtant limiter son usage à de grandes productions qui auraient échoué. Cependant même dans un film d’un budget modeste les têtes d’affiche sont privilégiées dans une distribution. Et on est en droit de s’étonner qu’un film qui a réuni les plus grands acteurs soit aussi décevant que « Mon Crime ».
Malgré tout, je ne regrette pas d’avoir perdu mon temps en regardant ce film, car il m’a inspiré une réflexion sur le caractère amateur ou professionnel d’un « navet », au point de me demander si « le navet » dépend de cette distinction. On pourrait être tenté de juger qu’un « navet » est le fruit d’un manque de métier, d’une réalisation hâtive dont les lacunes apparaissent à vue d’oeil. Mais en fin de compte je crois en déduire que ce n’est justement pas le cas et que les « navets » n’appartiennent pas à cette catégorie. C’est précisément l’ambition de réaliser sinon un chef-d’oeuvre du moins une œuvre estimable qui rend évidente la qualité de « navet » quand cette ambition tombe à plat. Et c’est exactement ce qui prouve la décadence de la critique cinématographique dans notre pays. Des journalistes illustres se sont gargarisés d’éloges pour promouvoir une production qui semblait réunir tous les atouts. Ainsi il leur semblait suffisant d’énumérer les noms de Fabrice Luchini, d’Isabelle Huppert, d’André Dusselier, de Daniel Prévost ou de Dany Boon pour être sûrs de ne pas se tromper. Et pourtant ces grands acteurs ont failli à leur tâche. Seule Isabelle Huppert tire son épingle du jeu dans le rôle d’une star du cinéma muet qui brûle de remonter sur les planches. Mais elle-même a été victime d’une direction d’acteur bancale et d’une mise en scène incapable de servir un scénario qui aurait pu être davantage mis en valeur.
Les deux rôles principaux ont été confiés à de jeunes actrices dont le nom n’a pas le même prestige que ceux de leurs aînés, ce qui était plutôt un avantage, mais, si elles sont agréables à regarder, leur fraîcheur est impuissante à masquer le racolage permanent destiné à susciter l’intérêt du public. Pendant la représentation à laquelle j’ai assisté je n’ai entendu personne réagir aux situations et aux dialogues calculés pour produire un effet comique. Et quand l’effet comique ne vient pas, la légèreté se transforme en lourdeur et c’est l’ennui qui s’installe. On admettra que des gens sont pourtant venus en croyant se faire plaisir. Et c’est là où le bât blesse, puisque le public lui-même est tombé dans le panneau en accourant en masse pour augmenter le succès d’un « navet » aussi resplendissant. N’est pas Labiche ou Feydeau qui veut.
On a loué François Ozon pour son art « de glisser subtilement entre les langages théâtraux et cinématographiques », mais c’est justement là où le bât blesse car dans ce mélange des genres ce valeureux metteur en scène a manqué son pari. Il n’a pas su passer d’un genre à l’autre et son film n’est finalement ni du cinéma ni du théâtre. Les grands acteurs pris en étau entre deux sollicitations différentes, s’en sortent mal et parlent faux.
On peut saluer les mérites de cette tentative de faire du théâtre au cinéma, mais il y a une vérité de la perception qui ne trompe pas. Pour s’en convaincre on peut se rappeler les grandes réussites de Max Ophuls et de Lubitsch qui ont traité des sujets de théâtre en les intégrant dans le langage cinématographique.
Quand on recherche l’effet à produire dans une création culturelle, on sort du domaine de l’art pour entrer dans celui de la publicité qui a trouvé aujourd’hui son accomplissement dans « le marketing » : « la marque » a substitué une valeur fictive à la valeur réelle. En vidant la forme de son contenu et en devenant un prétexte à la création une œuvre ne fait plus alors sens dans la coïncidence entre « le faire » et « l’être ».
La fin n’a pas seulement déterminé le moyen comme on le croit trop souvent, elle s’est confondue avec lui dans la berlue des consommateurs d’un produit tout fait. Quand on entreprend un spectacle, un film, en visant un objet extérieur au spectacle et au film, on se déplace dans une autre sphère que celui de l’acte même de création lié au plaisir qu’on se donne à soi-même pour viser un résultat qui n’est plus qualitatif mais quantitatif, qui n’est plus ni intellectuel, ni artistique, ni spirituel, mais matériel, commercial, sociétal. Et on ne saurait se duper en prétendant qu’on veut faire plaisir « aux autres », car en réalité on les utilise dans un autre but que la communion entre le créateur et le spectateur.
C’est pourquoi « le navet » ne prend sa place que dans un art professionnel et non amateur, un art institué fondé sur le métier, sur un acquis obtenu dans les écoles.
Dans les débats de l’Inkhouk, l’Institut de Culture artistique, fondé en 1920 à Moscou, les constructivistes discutaient des mérites respectifs du « métier » et de « l’invention ». Ils considéraient que l’un ne pouvait aller sans l’autre, car le métier est menacé par l’académisme et l’invention livrée à elle-même est incapable de créer une œuvre aboutie.
L’invention est souvent revendiquée par les artistes contre l’académisme, parce qu’ils privilégient l’originalité, la nouveauté d’un art ouvert sur l’avenir et non figé dans le passé.
Cette approche, critique envers le professionnalisme, semble favorable à l’amateurisme. Ce mot dans notre langue est trop entaché de connotations négatives pour être retenu comme la voie de salut de la création individuelle. Et on aurait besoin d’une notion beaucoup plus large, couvrant le champ des « amateurs » qui cherchent dans la création artistique une nourriture qui donne un sens à leur vie.
On est amateur avant d’être créateur, car la première condition pour se consacrer à un art, quel qu’il soit, c’est de l’aimer, d’y prendre goût. L’amour d’un art est le premier pas vers l’initiation de ses procédés, de ses méthodes, de sa grammaire, c’est-à-dire, vers le « métier ». Avant d’acquérir le métier de cinéaste on est d’abord cinéphile. Les cinéastes de la Nouvelle Vague ont tous été formés à la cinémathèque de Langlois. C’est en regardant les films qu’ils ont eu envie d’en réaliser eux-mêmes.
Mais c’est surtout au théâtre que ce mot a pris une résonance beaucoup plus large dans le foisonnement des groupes de théâtre « amateurs » réunis dans une œuvre collective qui fait appel aux « moyens du bord ».
L’homme ne vit pas seulement de pain et il a besoin de consacrer son temps et son énergie à d’autres activités que mercantiles et financières.
Et on a vu apparaître des formes de théâtre qui le sortaient de l’institution et qui l’introduisaient dans la vie populaire, comme « le théâtre de rue » qui se détourne de la représentation vers l’animation, en transformant les spectateurs en acteurs d’une création où ils oublient leurs différences. Meyerhold aspirait déjà à faire sortir le théâtre de sa boîte pour le mettre dans l’espace social, l’espace vivant. Jean Vilar avait essayé sans succès de créer un « théâtre populaire », un théâtre pour le peuple, et non seulement pour l’élite.
Le mouvement de la synthèse des arts dans « l’avant-garde russe » avait pour but « la construction de la vie » en arrachant la culture à son piédestal pour changer la société.
Cette aspiration a fait long feu avec le retour du conservatisme sous le régime stalinien, mais elle était au coeur même d’une révolution avortée et qui pourtant continue à brûler sous la cendre, chez tous les peuples de la terre.
Il s’agit donc de tirer « les amateurs », c’est à dire « les amoureux » d’un art « élitaire pour tous », selon le voeu d’Antoine Vitez, de la contemplation vers l’action, de la consommation vers la création d’un échange entre les hommes, en brisant le carcan des catégories professionnelles et sociales.
DE “PARIS-MOSCOU” (PROBLÈMES DE RÉCEPTION ET DE MUSÉOGRAPHIE)
By Jean-Claude on Mar 29th, 2023
DE “PARIS-MOSCOU” (PROBLÈMES DE RÉCEPTION ET DE MUSÉOGRAPHIE)
L’exposition “Paris-Moscou” présentée au Centre Georges Pompidou en 1979 a été un événement diversement commenté dans la critique. La plupart des comptes-rendus se sont partagés en deux catégories : d’un côté ceux qui l’ont critiquée du point de vue politique parce que cette exposition, où l’immixtion soviétique a été prééminente, a volontairement occulté le combat dramatique des créateurs avec le pouvoir totalitaire ; d’un autre côté, ceux qui se sont enthousiasmés sans réserve et ont été sensibles au caractère sensationnel des prêts d’oeuvres de “l’avant-garde” historique, venues d’URSS.
Je propose une analyse de cet énorme “bazar de l’art” qu’a été “Paris-Moscou” sous une autre perspective, celle du problème posé par la réception de l’art russe en Occident. On s’aperçoit alors de l’incohérence de cette exposition, typique d’une certaine manière contemporaine de concevoir la restitution par le musée de tout une époque, quand ce n’est pas la rigueur historique et surtout “picturologique” qui préside à l’accrochage des oeuvres, mais le goût du sensationnel, de l’anecdotique, des analogies iconographiques superficielles. Au lieu d’éclairer lacomplexité de l’art russe des trente premières années du XXème siècle, cette exposition aura contribué à maintenir le flou, l’approximation, les mythes tenaces qui continuent encore à être propagés à propos de “l’École russe du XXème siècle”.
La critique d’ordre politique qui a été faite ne tient pas debout : elle est ou naïve ou polémique. Au contraire, on peut saluer Pontus Hulten d’avoir pu obtenir ce que n’avait pas pu obtenir une personnalité aussi éminente qu’André Malraux, ministre de la culture du général de Gaulle. Depuis 1922 et la “Erste russische Kunstausstellung” à la galerie berlinoise Van Diemen, il n’y avait eu ni en Occident ni en URSS d’exposition d’art russe et soviétique de toutes les tendances, du naturalisme engagé socio-politique au suprématisme et au constructivisme.[1] De ce point de vue, l’exposition “Paris-Moscou” a été une pleine réussite et un succès politique.
Pour ce qui est des enthousiasmes émotionnels devant les chefs-d’oeuvre de ‘l’avant-garde” en Russie et en URSS présentés au public français, une double question se pose: celle de la conception et du rôle de la critique d’art et celle de la façon d’exposer les oeuvres d’art. Il y a deux sortes d’expositions artistiques : des expositions didactiques qui exigent de suivre strictement l’évolution historique de l’art et des expositions “esthétiques” qui exigent la connaissance des cultures picturales dans toutes leurs manifestations. Habituellement, dans une bonne exposition, ces deux moments coexistent, bien que la prévalence de l’un sur l’autre ne soit pas exclue. Beaubourg avait inauguré une nouvelle hybridation : ni tout à fait didactique ni tout à fait esthétique, les expositions étaient avant tout bigarrées.[2]
On est, en premier lieu, étonné de la totale inadéquation d’une exposition “Paris-Moscou”, qui venait après “Paris-New-York” et “Paris-Berlin” : nous assistions à la présentation erronée de la seule Moscou comme centre artistique principal. Une telle façon de poser les choses ne tient pas devant la réalité. Avant les révolutions de 1917, Moscou était seulement un des centres bouillonnants de la vie artistique de la Russie. Elle rivalisait et voulait “devancer” la capitale de l’Empire, Saint-Pétersbourg. C’est bien à Pétersbourg qu’avait commencé le combat contre le naturalisme avec la naissance de la première revue d’art Le Monde de l’art (Mir iskusstva) entre 1899 et 1904 dont il n’y avait aucune trace à l’exposition. C’est également là que fut organisé un groupe d’artistes portant ce nom entre 1910 et 1917. C’est à Péterbourg également que triompha le modernisme autour de la revue Apollon (1909-1917), qu’exista de 1910 à 1914 le groupe de l’Union de la jeunesse qui comprenait tous les artistes novateurs d’importance du XXème siècle, qui organisa des expositions mémorables, édita trois almanachs, réalisa en 1913 les premiers spectacles cubofuturistes (la pièce du jeune Majakovskij Vladimir Maïakovski-Tragédie et l’opéra de Matjušin La Victoire sur le soleil où apparurent l’embryon du suprématisme de Malevič). Les réalisations les plus audacieuses de ce que l’on a pris l’habitude d’appeler “l’avant-garde russe” furent montrées aussi à Saint-Pétersbourg, devenu Pétrograd en 1914, dans les expositions programmatiques de groupe “Tramway V” en 1915 avec le triomphe des contre-reliefs de Tatlin et, surtout, la “Dernière exposition futuriste de tableaux 0,10” où apparut la révolution la plus radicale de l’histoire de l’art, le suprématisme. Et après les révolutions de 1917, le rôle de Pétrograd, devenu Léningrad après la mort de Lenin en 1924, n’a pas perdu de son intensité, même lorsqu’elle a cessé d’être la capitale. Souvenons-nous seulement de ce qui est devenu l’Institut national de la culture artistique, le GINXUK, où de 1922 à 1926 ont créé, enseigné, mené des expérimentations, des protagonistes de l’art universel du XXème siècle, comme Malevič, Tatlin, Filonov, Matjušin.
Ne serait-ce que pour ces faits, qui sont loin d’épuiser le panorama des événements artistiques à Saint-Pétersbourg-Pétrograd-Léningrad, on voit que la concentration de toute l’énergie artistique autour de la ville de Moscou, l’érection de cette dernière en symbole de ce qui eut lieu en Russie et en URSS dans le domaine de l’art est arbitraire et le résultat de l’ignorance de la partie invitante et des décisions idéologiques unilatérales de la partie soviétique.[3] Ce n’est qu’après la monstrueuse stalinisation-centralisation que Moscou est devenue, comme nous le voyons aujourd’hui le seul centre culturel d’échelle universelle où bat toute la veine artistique de la Russie, mais avant 1930, précisément la date limite de “Paris-Moscou”, la situation était autre.
Ainsi donc, l’identification de Moscou avec Paris présente en soi un caractère pour le moins inadéquat. D’ailleurs dans toute l’exposition il était visible qu’il ne s’agissait pas de Moscou mais de l’art russe dans son ensemble dans le cadre de l’Empire Russe et de l’Union Soviétique : les événements pétersbourgeois-léningradois paraissaient çà et là, et on assistait à l’annexion de la Géorgie à Moscou et à la russification inconditionnelle de l’Ukraine. “Paris-Moscou” n’avait pas finalement comme objectif principal de montrer les rapports de ces deux capitales, mais plutôt de donner un panorama de l’art russe de la première moitié du XXème siècle de façon générale et, obliquement, de mettre l’accent sur l’existence de contacts artistiques franco-russes arbitrairement sélectionnés. Cela aurait pu se justifier sous une autre appellation et surtout étant armé de la connaissance et du respect de l’évolution véritable de cette période.[4]
Je ne donnerai que quelques exemples des bizarreries, sinon des confusions, des accrochages dans “Paris-Moscou”. Dès la première salle intitulée “Au tournant du siècle”, que voit-on ? Une Méditerranée de Bonnard de 1911, un dessin du sécessionniste pétersbourgeois Lanceray de la même année…et un Signac de 1914 ; l’art français est représenté par Picasso, Bonnard et Bourdelle ; ni Gauguin, ni Cézanne, ni Van Gogh, ni Monet ni Rodin ne sont présents qui pourtant ont eu une influence colossale sur la naissance des arts novateurs de Russie. Et que penser de l’absence totale de l’art populaire qui avait été un “clou” à Paris lors de l’Exposition universelle de 1900 et qui a également joué un rôle éminent dans la naissance du premier grand mouvement avant-gardiste russe, le Néo-primitivisme ?
En ce qui concerne, de façon générale, l’accrochage des oeuvres, on était étonné qu’il n’ait pas été tenu compte de la spécificité des cultures picturales, ce qui aurait exclu toute possibilité, par exemple, de montrer un dessin d’Odilon Redon pour la revue symboliste La Balance (Vesy) entre une oeuvre, à la manière matissienne, de Zinaida Serebrjakova et une esquisse politique de Valentin Serov. Quant aux tableaux de Sergej Ivanov, ils étaient là, selon toute vraisemblance, non pas pour leur correspondance au “thème” de la salle, mais à cause de leur contenu politique – la révolution de 1905. Ce trait est typique de toutes les expositions hybrides : le mélange du pictural et de la thématique anecdotique, avec la prévalence de la thématique politique pour plaire, ou ne pas déplaire, à tel ou tel…
La deuxième salle, intitulée “Les avant-gardes artistiques 1905-1917” commençait par des cimaises sous l’égide du “Monde de l’art”. Si les organisateurs avaient voulu prouver l’inconsistance de ce mouvement, ils y sont parfaitement parvenus : les oeuvres exposées représentaient très peu le Mir iskusstva, mouvement de première importance pour l’art russe et pour les liens artistiques entre la Russie et la France, ne serait-ce qu’à travers les Ballets Russes de Djagilev. Or dans cette section, des représentants aussi importants de ce mouvement sécessionniste que Konstantin Somov, Aleksandr Golovin et Mstislav Dobužinskij étaient absents, alors qu’il y avait un tableau bigarré de Boris Kustodiev, typique représentant moscovite de l’Union des artistes russes. Toute une cimaise était consacrée aux esquisses théâtrales des peintres des Ballets Russes, mais on ne savait pourquoi il y avait sur le côté de cette paroi deux sculptures d’Aleksandr Matveev de 1912 et de Boris Korolëv de 1915, dont on ne voyait pas le lien avec les Ballets Russes. Il aurait été plus conséquent de montrer, par exemple, le Nijinsky de Rodin…
Mais le sommet de ces incohérences était la juxtaposition des oeuvres sécessionnistes russes avec les fauves français (Braque, Derain, Vlaminck, Van Dongen, Rouault). On ne pouvait faire mieux pour montrer l’inconsistance du Mir iskousstva et de ses satellites. On aurait compris que les fauves français se trouvent dans la section suivante portant l’appellation de “La peinture française à Moscou” où étaient accrochés des chefs-d’oeuvre absolus comme La danse de Matisse, le Nu debout de Braque et trois magnifiques Picasso (Trois femmes, Dame à l’éventail et Portrait d’Ambroise Vollard). Cette partie était une des réussites incontestables de “Paris-Moscou”. Non pas seulement par la qualité des oeuvres, mais aussi par un premier essai d’établir une chronologie de la présence des tableaux français dans les expositions russes après 1912 et dans les grandes collections des industriels moscovites, les Morozov et Sergej Ščukin. Malheureusement, l’éclairage de ces chefs-d’oeuvre était épouvantable. Toute l’exposition était d’ailleurs mal éclairée.
Après “Les chefs-d’oeuvre français”, on tombait dans une petite pièce, ressemblant plutôt à un réduit, où était représenté “Le Valet de carreau”, mais seulement une partie, car on trouvera ce mouvement cézanniste-fauviste- primitiviste plus loin, en passant à travers un corridor où étaient accrochées des oeuvres sous le sigle de “La Rose bleue” Il faut noter l’absurdité de cette division du “Valet de carreau” en deux parties et de plus dans la suite du symbolisme pictural russe, qu’il aurait été plus juste de montrer dans l’orbite du “Monde de l’art”. “La Rose bleue”, née en 1908, était représentée par Pavel Kuznecov et Martiros Sarjan avec des oeuvres créées entre 1910 et 1917.[5] Kuz’ma Petrov-Vodkin servait, à juste titre, de maillon entre le symbolisme et le cézannisme, mais son accrochage aux côtés de Pëtr Končalovskij et d’Aristarx Lentulov n’était guère efficace, sans compter que les monumentales et “musicales” compositions futuristes de ce dernier étaient “coincées” sur une cimaise à même le sol, alors qu’elles demandent de “respirer” dans un vaste espace.
Quittons “le Valet de carreau” en admirant le beau Paysage au voilier de Robert Falk et dirigeons-nous vers un grand “espace” appelé “Tendances des années 1910”. Ce pluriel qu’aiment utiliser les musées n’annonçait rien de bon. Aucune explication de cet intitulé n’était donnée. Est-ce que “Le Valet de carreau” n’était pas une tendance – et de première importance des années 1910, alors que précisément sa première exposition avait eu lieu à la toute fin de 1910 à Moscou ? Et le primitivisme symboliste de Pavel Kuznecov et de Martiros Sarjan est-il en dehors de ces tendances? Malgré ce manque de clarté, la cimaise où étaient accrochées les toiles de Larionov, de Natalija Gončarova, du Géorgien Pirosmanašvili, était, selon moi, la plus grande réussite de toute l’exposition : elle était riche et donnait une représentation juste du Néo-primitivisme et du Rayonnisme.
En revanche sur une paroi voisine, la juxtaposition de trois tableaux de Kandinskij (Paysage à Murnau de 1908, Improvisation et Lac de 1910, venant de la Trétiakov) avec le monumental Nu féminin de Tatlin (1913, Musée national russe) était saugrenue Face à ce Tatlin, se trouvaient deux tableaux d’Aleksandr Ševčenko, auteur d’un manifeste du Néo-primitivisme, qu’il aurait été mieux de mettre à côté de Larionov. Et dans un recoin suivant figuraient Chagall, Filonov …et David Burljuk. C’était là un parfait exemple de l’approche superficielle et arbitraire de nombreux accrochages. Entre Chagall et Filonov, il y a un abîme du point de vue de la culture picturale et de la sensation du monde. Ils étaient là ensemble, selon toute vraisemblance, au nom des analogies thématiques (la vie populaire des villages, le folklore, les rites), mais leur point de départ pictural est totalement à l’opposé l’un de l’autre. Le caractère aéré, chorégraphique chagallien n’a rien à voir avec la sursaturation forestière des toiles filonoviennes.
Un des échecs criants de “Paris-Moscou” aura été d’ailleurs la présentation pour la première fois, en tout cas en France, de ce géant de la peinture russe qui, soulignons-le, est un artiste fondamentalement pétersbourgeois. La poétique filonovienne est si unique qu’il faut la montrer à part. Or Filonov était accroché dans trois lieux différents de l’exposition : avec Chagall, nous venons de le voir ; puis sa superbe Formule du prolétariat de Pétrograd se retrouvait en face… de la bonbonnière moscovite de Kustodiev, représentant une femme de la classe marchande moscovite, appétissante et ayant de l’appétit ; enfin, deux esquisses de Filonov figuraient dans la section “Théâtre-Musique”.
Je ne m’attarderai pas sur la salle consacrée au “Cubisme”, mêlant sans distinction le cubofuturisme d’Olga Rozanova, dans l’orbite de Malevič, et les toiles “parisiennes” de Ljubov’ Popova ou de Nadežda Udal’cova, confrontant sur une même cimaise Aleksandra Ekster, Ivan Kljun et…Jakulov, ou bien un Baranov-Rossine cubofuturiste à côté d’un David Šterenberg plutôt cézanniste. Le fameux contre-relief de 1916 de Tatlin était vu pour la première fois à Paris, il aurait dû être mis en valeur, mais non, il était entouré d’une oeuvrette dadaïste de Sergej Šaršun, de petits tableaux cubistes de Picasso (Pernod et cartes) et de Serge Férat. Et que dire des cimaises dédiées aux mouvements français où voisinaient, à nouveau Picasso, avec Marie Vassilief (son chef-d’oeuvre de 1910, La femme à l’éventail), Gleizes (Portrait de Stravinsky), Le Fauconnier et…Ozenfant et…Valloton?
Mais la salle la plus ratée était sans doute celle qui avait été intitulée d’abord “Suprématisme” et qui, après protestations, sera intitulée “Abstraction-Suprématisme”. Les oeuvres exposées n’avaient aucun rapport avec cette dénomination. Le chef-d’oeuvre cubofuturiste alogiste de Malevič Portrait du compositeur Matjušin, son autre chef-d’oeuvre alogiste Aviateur (tous les deux de1914) n’ont rien à voir ni avec l’abstraction ni avec le suprématisme. On retrouvait ici un Kandinskij, la Cime bleue, de 1917 (en russe Sinij greben’, traduit à “Paris-Moscou” par “Le peigne bleu”…) et la grandiose Composition VI de l’Ermitage, accrochée à côté de Malevič, ce qui a dû se faire retourner dans leur tombe ces deux génies antagonistes. Et que venait faire dans cette section Natalija Gončarova ? Pourquoi Nikolaj Suetin et Ilja Čašnik, remarquables représentants de l’école suprématiste n’étaient pas ici, mais se trouvaient plus loin, dans la salle “Constructivisme” ? Cette confusion entre suprématisme et constructivisme se perpétue jusqu’à aujourd’hui.[6]
Sur la cimaise consacrée au thème de la guerre de 1914, on aurait pu penser y voir les lubki de Malevič, précisément de 1914, mais non : ils se trouvaient avec ceux d’Ilja Maškov dans la section “L’art d’agitation révolutionnaire” à côté de Dmitrij Moor de 1920 !!!
Je ne m’attarderai pas sur la section théâtrale qui souffrait de la même désinvolture. Un seul exemple de cette impéritie : un dessin constructiviste d’Aleksandra Ekster de 1924 était accroché au-dessus des costumes féériques de Chagall pour Šolem Alejxem et sur cette même paroi, soudain, deux esquisses du grand artiste ukrainien Anatolij Petryckyj, alors que l’effloraison du théâtre ukrainien dans les années 1920 n’était même pas mentionnée.[7] Notons à ce sujet que le grand constructiviste ukrainien Vasyl’ Jermylov était représenté à la sauvette dans la section “l’Agit-prop russe”…
“La ville du futur” était illustrée dans un recoin par les incroyables architectures fantastiques de Jakov Černixov et de Georgij Krutikov. Malevič était absent et aurait pu figurer ici avec ses dessins de bâtiments cosmiques.
Quant au Constructivisme, né, rappelons-le, en 1921, il a subi le même traitement incohérent. À part des reconstructions de mobiles de Rodčenko, des oeuvres de Lissitzky et de Gustav Klucis, et un coin réservé à Pevsner et à Gabo, les autres objets accrochés étaient rattachés arbitrairement au Constructivisme, par exemple, une toile Noir sur noir de 1918 de Rodčenko ou bien la célèbre toile Mouvement dans l’espace de 1917-18 de l’organiciste Matjušin ou encore une Composition sans-objet de l’admirable Ol’ga Rozanova, morte en 1918…et même un beau tableau minimaliste de Pavel Mansurov qui fut dans l’orbite suprématiste.
Je passerai rapidement sur les quatre dernières salles sous le sigle “Les réalismes de 1920 à 1930” (Lipchitz, Picasso, Soutine, Pavel Čeličev) : aucun respect des dates annoncées, mélange des styles – cubiste (Lipchitz) ; surréaliste-antimimétique (l’Atelier à la tête de plâtre de Picasso); expressionniste paroxystique (Soutine), abstrait (la Peinture -Objet-Huile, ficelle et allumettes de Pavel Čeličev).
La situation des réalismes russes des années 1920 n’était guère meilleure : le naturalisme “philosophique” d’Isaak Brodskij dans son célèbre tableau Lenin à Smol’nyj (1930) était entouré de peintres de l’OST (le hiératique Aleksej Paxomov), du “Valet de carreau” (Končalovskij, Maškov de 1918…de Falk et de Kuprin), du naturalisme, annonciateur du futur réalisme socialiste (Sergej Gerasimov, Mitrofan Grekov, Boris Ioganson, Georgij Rjažskij), du réalisme poétique (Arkadij Rylov, Lev Bruni, Pavel Kuznecov, Martiros Sarjan). Pourquoi étaient accrochés ici une énorme toile de Zinaida Serebrjakova et l’énigmatique Cavalerie rouge de Malevič, avec la sculpture cubiste de Iosif Čajkov Le forgeron.
Dans la section “Le Purisme. L’abstraction géométrique”, en face d’une cimaise avec des oeuvres des Français, on trouvait le mur des Russes avec, au centre, trois toiles post-suprématistes” de Malevič, dont les célèbres Sportifs qui paraissaient assez bizarres, entourés qu’ils étaient par des reliefs de Vladimir Lebedev, du “suprématisme” de Natan Al’tman et de tableaux figuratifs aux formes aplaties de David Šterenberg. Si les oeuvres de Malevič avaient été accrochées sur une paroi à part, on aurait pu apercevoir toute l’originalité mystérieuse de ce “supro-naturalisme” où les figures hiératiques, les “visages sans visage” sont rythmés par la gamme colorés ukrainienne du fondateur du Suprématisme.
Enfin dans la dernière salle des “réalismes”, on trouvait Filonov, à côté de Kustodiev, de Petrov-Vodkin, d’Aleksandr Labas…et d’Aleksandr Tyšler.
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Pourquoi une telle exposition? Pour montrer toute l’importance de l’art russe du premier tiers du XXème siècle? Elle a sans aucun doute réussi cet objectif. Son mérite essentiel aura été de montrer pour la première fois de façon foisonnante des oeuvres que l’on ne connaissait que par ouï-dire ou par reproductions. Les spécialistes, les critiques et les visiteurs déjà préparés ne purent pas bouder leur plaisir. J’étais de ceux-là. Mais est-ce que des expositions de cette envergure sont faites pour les spécialistes ou un public averti? Et qu’est-ce qu’un large public (la majorité des visiteurs) a pu saisir dans un tel marché aux puces de grande classe? Est-ce l’objectif des expositions de mener les visiteurs dans des halliers?
“Paris-Moscou” fut transporté à Moscou en 1981 et un double catalogue fut édité. Malgré des censures par rapport à Paris et le brouillage du message de l’apport unique de l’art de gauche en Russie et en URSS, l’exposition “Moscou-Paris” fut un plus grand évènement en URSS, car les Soviétiques pouvaient mieux s’orienter dans leur propre histoire, l’altération des faits étant pour eux une norme, ils avaient appris “à lire entre les lignes” et à recréer par des miettes d’information çà et là un véritable tableau des évènements. Et pour les Soviétiques, montrer, non seulement les grands Parisiens novateurs, mais aussi, par exemple, Kandinskij, Tatlin, Malevič ou Filonov, qui se trouvaient habituellement dans les réserves des musées, cela fut une véritable nourriture spirituelle.
Jean-Claude Marcadé
Fin août 2019
[1][1] Il y eut encore une grande manifestation d’art russe à la Biennale de Venise en 1924, mais elle n’avait pas l’ampleur de l'”Erste russische Kunstausstellung” de Berlin. C’est à Venise qu’a été montrée pour la première fois l’école organiciste de Mixaïl Matjušin et des Ender.
[2] Depuis la fin du XXème siècle, un nouveau type d’exposition a prévalu dans le monde des arts, celui de l’illustration pure et simple à l’aide d’oeuvres d’art de thèmes géographiques, psychologiques, historiques, socio-philosophiques ou socio-politiques,…
[3] Un phénomène analogue d’idéologisation d’une exposition avec le souci de l’historiographie russe de faire converger toutes les données historiques vers l’avènement triomphal de Moscou, a été donné de façon exemplaire avec l’exposition du Louvre “Sainte Russie”, nous forçant à oublier que le mot “Russie” n’existe en langue russe officiellement que depuis Pierre I, à un moment où Moscou, capitale de la Moscovie, cède la place à Saint-Péterbourg comme capitale de l’Empire Russe au début du XVIIIe siècle. Cf. Jean-Claude Marcadé, “Des confusions lexicales idéologiques, débouchant sur une traduction ‘cavalière’, au nom d’une problématique ‘identité nationale’ : Svjataja Rus’, devenue au Louvre Svjataja Rossija“, in Europa Orientalis. Paralleli : Studi di litteratura e cultura Russa par Antonella d’Amelia, a cura de Cristiano Diddi et Daniele Rizzi, Salerno, 2014, p. 49-61
[4] V.M. Polévoï, un des commissaires soviétiques, dit très clairement dès le début de son introduction au catalogue qu’il s’agit dans “Paris-Moscou” “de la confrontation des réalisations artistiques des deux pays” pendant les 30 premières années du XXème siècle.
[5] Lors d’une de mes visites à l’exposition, j’ai pu entendre un guide déclarer à son auditoire, dans ce sas “Rose bleue”, entre la première et la seconde salle dévolue au “Valet de carreau”, ” Nous ne nous arrêterons pas ici : ce sont de oeuvres provinciales arméniennes et géorgiennes”! Pauvre Pavel Kuznecov tombé parmi les Caucasiens et pauvre Martiros Sarjan traité inconsidérément de “provincial”…
[6] Cf. Jean-Claude Marcadé, “Suprématisme et Constructivisme dans l’Empire Russe et l’URSS”, Ligeia (Avant-gardes russes. Suprématisme, Art non-objectif, Constructivisme, Conceptualisme), juillet-décembre 2017, p. 32-37
[7] Voir Valentine Marcadé, Art d’Ukraine, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1990, p. 237-251
Lettres des Marcadé à Raphaël Khéroumian
By Jean-Claude on Avr 16th, 2021
Ségolène Royal, Darmanin et les autorités officielles sur la pornographie
By Jean-Claude on Nov 19th, 2020
Que le crime perpétré sur Samuel Paty soit ignoble, quelles qu’en soient le raisons, est imprescriptible.
Mais il est assez misérable que Darmanin ait publiquement dénoncé une opposante, en l’occurrence Ségolène Royal, pour une opinion qui serait partagée par la majorité des Français si on leur avait montré des “caricatures” immontrables, ce que personne n’a eu l’audace de faire et en particulier les autorités qui parlent de “caricatures” dans l’abstrait. Montrez, Messieurs Macron et Darmanin, les “caricatures” en question et vous ne passerez pas pour des faux-culs. Ou alors, taisez-vous!
Pourquoi donc floute-t-on les films pornos?
Le journaliste Sergueï Dédiouline sur l’information selon “Le Monde” (1998)
By Jean-Claude on Sep 6th, 2020
En mettant en ordre mes archives, j’ai retrouvé tout un dossier et ce tapuscrit du journaliste Dédiouline sur l’affaire de l’exil au début des années 1990 du grand historien de l’art soviétique Nikolaï Khardjiev à Amsterdam avec une partie de ses archives dont de nombreux tableaux de l’avant-garde russe et soviétique qui ont enrichi les collections du Stedelijk Museum amstellodamois . Il suffit de lire aujourd’hui les papiers de M. Vitkine et consorts sur les pays se trouvant à l’Est de l’Europe qui sont écrits impunément selon une gille de lecture a priori apodictique…
A propos de l’auteur
Jean-Claude Marcadé, родился в селе Moscardès (Lanas), agrégé de l'Université, docteur ès lettres, directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (C.N.R.S). , председатель общества "Les Amis d'Antoine Pevsner", куратор выставок в музеях (Pougny, 1992-1993 в Париже и Берлинe ; Le Symbolisme russe, 1999-2000 в Мадриде, Барселоне, Бордо; Malévitch в Париже, 2003 ; Русский Париж.1910-1960, 2003-2004, в Петербурге, Вуппертале, Бордо ; La Russie à l'avant-garde- 1900-1935 в Брюсселе, 2005-2006 ; Malévitch в Барселоне, Билбао, 2006 ; Ланской в Москве, Петербурге, 2006; Родченко в Барселоне (2008).
Автор книг : Malévitch (1990); L'Avant-garde russe. 1907-1927 (1995, 2007); Calder (1996); Eisenstein, Dessins secrets (1998); Anna Staritsky (2000) ; Творчество Н.С. Лескова (2006); Nicolas de Staël. Peintures et dessins (2009)
Malévitch, Kiev, Rodovid, 2013 (en ukrainien); Malévitch, Écrits, t. I, Paris, Allia,2015; Malévitch, Paris, Hazan, 2016Rechercher un article
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