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SOULAGES – LE RYTHME ILLUMINÉ
By Jean-Claude on Nov 1st, 2022
Malévitch (suite) [CHAPITRE XXI] Le suprématisme cosmique
By Jean-Claude on Sep 27th, 2022
[CHAPITRE XXI]
Le suprématisme cosmique
Le suprématisme blanc entraînait dans les infinis de l’Univers. Dans l’enthousiasme de la révolution, Malévitch pouvait s’écrier :
“Nous, parmi les abîmes bouillonnants, sur les ailes du temps, sur la crête et le fond des océans, nous construirons les formes souples qui fendront l’odeur raffinée de boudoir de la culture de parfumerie, qui emporteront dans leur bouillonnement les coiffures et brûleront les laques des masques morts des rues.”
[ K. Malévitch, « L’axe de la couleur et du volume » [1919], in Kazimir Malévitch, Écrits, p. 177]
Ou bien :
“Vive l’aviateur de la nouvelle course, de la nouvelle navigation, des nouveaux vols, qui a rejeté le char de l’ancien temps.”
[K. Malévitch, À propos du problème des arts de la représentation [Smolensk, 1921], in Kazimir Malévitch, Écrits, p. 295]
En 1916, il avait déjà annoncé :
“J’ai dénoué les nœuds de la sagesse et libéré la conscience de la couleur. […] J’ai surmonté l’impossible et j’ai fait des abîmes avec mon souffle.”
[ K. Malévitch, Du cubisme et du futurisme au suprématisme. Le nouveau réalisme pictural, in Kazimir Malévitch, Écrits, p. 69]
L’abîme de l’être est pour l’homme un mystère plein de ténèbres dont il s’effraie et qu’il cherche à détruire en s’érigeant en être pensant et en essayant de connaître rationnellement la nature, l’Univers, Dieu – reconnus comme perfection absolue et non pensante. La pensée humaine est une imperfection déduite de la perfection divine. Malévitch ne comprend pas pourquoi, à un moment donné, la pensée est sortie de Dieu, de l’Absolu de la non-pensée, a chuté, et pourquoi il y a eu rupture, « comme si on ne sait quelle imprudence était survenue, comme si elle avait glissé et était passée par-dessus le bord de l’absolu » [K. Malévitch, Dieu n’est pas détrôné. L’art. L’Église. La fabrique, in Kazimir Malévitch, Écrits, § 13]. Il reprend pour le justifier le mythe judéo-chrétien de la Création, du péché originel, du paradis et de l’expulsion de l’homme du paradis. Dieu a construit le monde « pour se libérer à jamais de lui, pour devenir libre, prendre sur soi la plénitude du rien ou repos éternel, en tant qu’être immense ne pensant plus, puisqu’il n’y a plus de raison de penser : tout est parfait » [Ibid., § 16]. Le monde était comme un poids que Dieu avait en lui, qu’il a pulvérisé dans la Création :
“La Création est devenue légère, impondérable ; Adam au paradis ne sentait aucun poids : il vivait pareillement au machiniste qui ne sent pas le poids de sa locomotive en mouvement .”
[Ibid.]
Il fallait que la Création fût imparfaite afin de permettre à Adam de sortir de son système impondérable pour être écrasé à nouveau par le poids :
“En quoi consiste la faute ? Toute la faute est dans le fait qu’une limite a été établie dans le système.”
[ Ibid., § 15]
Or la limite est déjà une imperfection de l’être abyssal illimité. Pourquoi Dieu a-t- il créé un système limité, donc imparfait ? Cette limite serait, d’après Malévitch, une « épreuve » que Dieu a donnée à l’homme :
‘L’homme n’a pas supporté le système et l’a transgressé, il est sorti de son plan, et tout le système s’est écroulé et tout son poids est tombé sur l’homme”
[ Ibid., § 16]
Le crâne de l’homme est aussi le cosmos :
“Le crâne de l’homme représente le même infini pour le mouvement des représentations ; il est égal à l’Univers, car en lui passe aussi le soleil, tout le ciel
étoilé des comètes et du soleil, et ils brillent et se meuvent ainsi que dans la nature.[Ibid., § 9]
Nous sommes nous-mêmes la nature. […] L’homme est la nature. [ K. Malévitch, Des nouveaux systèmes en art. Statique et vitesse, in Kazimir Malévitch, Écrits, p. 202]
Nous sommes le cœur vivant de la nature [[K. Malévitch, Du cubisme et du futurisme au suprématisme. Le nouveau réalisme pictural, in Kazimir Malévitch, Écrits, p. 50]
De même que les systèmes solaires tournent à côté de l’homme, de même les objets créés par le crâne humain tournent dans un tourbillon autour de lui. Le crâne humain est un soleil, un centre pour les objets pulvérisés qui aspirent à trouver en lui leur unité, mais ce centre n’est pas fixe, il se décentre perpétuellement, car il est entraîné dans un mouvement perpétuel vers « la voie infinie du sans-[K. Malévitch, Dieu n’est pas détrôné. L’art. L’Église. La fabrique, in Kazimir Malévitch, Écrits, p. 318, § 12], entraînant à son tour avec lui toutes les pulvérisations.
Comme Dieu, l’homme cherche dans la vie de tous les jours à se libérer du poids, à rejoindre l’impondérable divin. Il crée lui aussi des systèmes limités, ses cultures, qui cherchent à briser les limites et les interdictions en quoi « gisent les états de péché et les imperfections » [Ibid., p. 321, § 15.].
À travers toutes les productions, il aspire, comme Dieu, à retourner à la perfection absolue, il fait monter sa pensée « sur le trône du commandement » [ Ibid., p. 320, § 14]. L’homme-dieu (à l’opposé, pourrait-on dire, du Dieu-Homme de la théologie orthodoxe) a une pensée divine qui crée par le « fiat ». La culture est un effort de l’homme pour « répartir le poids dans des systèmes d’apesanteur »[Ibid., p. 323, § 16] : n’est-ce pas ici une belle définition de l’oikonomia ?
Le seul sens qu’a le monde des productions humaines est « la libération de la réalité physique s’incarnant dans un nouvel acte de l’action » [Ibid., p. 321, § 14]. Les systèmes créés par le crâne humain se succèdent en se détruisant les uns les autres, en détruisant chaque fois les limites du système précédent, faisant chaque fois un nouveau pas vers la libération qui seule permettra de retrouver l’état de non-pesanteur, l’abîme de l’être.
Ainsi, Malévitch pose les principes qui définissent le rapport de l’homme et de sa création à l’être-abîme inconnaissable : ils aspirent à se libérer de la pesanteur ; pour ce faire, ils cherchent à dépasser les lois d’interdiction, les limites, « pour se retrouver sur la voie de l’absence de lois » [Ibid., p. 323 et 324, § 16] ; ils s’élancent « vers Dieu-perfection dans lequel surviendra le bien » [Ibid., p. 324].
Nous avons brièvement rappelé ces quelques aspects de la pensée métaphysique de Malévitch pour comprendre que, tout naturellement, son œuvre picturale, et ce, dès 1915, est sous-tendue par une expression cosmique et cosmologique. Après les systèmes planétaires et la présentation purement picturale du vol dans l’espace, ce sont les sensations du cosmos et de l’Univers qui sont explorées après 1916 et jusqu’au milieu des années1920 à Vitebsk et à Pétrograd. Cela donne des projets visionnaires et une architecture utopique ; cela donne aussi, dès 1916-1917, des toiles et des dessins qui sont autant d’approches pour exprimer les rythmes universels. La Peinture suprématiste du MoMA, à laquelle répond en 1920 un dessin lithographié de Suprématisme, 34 dessins, présente une nébuleuse monochrome dans laquelle s’inscrivent les formes géométriques faisant alterner foncé et clair. Le carré et le cercle émergent de la zone claire, n’y formant qu’une trace. Comme dans la série des « Blancs sur blanc », ce qui prédomine, c’est la sensation de l’évanouissement des formes dans l’espace, leur extinction. Sur la Peinture suprématiste. <Élément suprématiste, moment de dissolution de la sensation-sans-objet> [Cette appellation est donnée par Malévitch, en russe, sur le dessin figurant le même thème, reproduit in Die gegenstandslose Welt (op. cit., p. 84), dont l’original se trouve au Kunstmuseum de Bâle ; cf. Kasimir Malewitsch. Die Welt als Ungegenständlichkeit, op. cit., p. 124] (106 × 70,5 cm, SMA), le quadrilatère jaune s’étire en trapèze dans un espace où les parallèles se rejoignent. Il faut noter ici la facture impressionniste des œuvres suprématistes de Malévitch. On le voit nettement quand elles n’ont pas été indiscrètement restaurées et manipulées. La touche malévitchienne est souvent binaire, la main faisant un mouvement de balancier ; elle crée un tissu ondé, nervé et nerveux, qui met en vibration toute la surface de la toile. Le mot « tissu » est très souvent employé par Malévitch pour parler de la facture-texture d’un tableau. La trame, là, n’est pas une saturation de l’abîme, un voile jeté sur lui. Elle est pour le suprématiste une porosité, analogique à celle de l’Univers, qui permet « aux rayons de la vue d’avancer sans rencontrer de limite» (Suprématisme, 34dessins). Dans des dessins innombrables, Malévitch se livre à des variations où l’arrondi (la courbe du cosmos) se fait de plus en plus insistant, sous la forme de cercles, d’ovales, d’ellipses ou de targes, dont une partie est immergée dans le grain du papier. Certains sont un véritable Planetentanz, avec les mouvements tourbillonnants des sphères, des demi-sphères, des ellipses-virgules, le tout traversé par le courant des lignes droites ou pointillées. Malévitch dessinateur est un virtuose extraordinaire. Il n’y a que Picasso qui puisse se comparer à lui au XXe siècle, par « la passion de l’écriture sous toutes ses formes ».[Marie-Laure Bernadac, « La poésie de Picasso, dictionnaire abrégé… », in Picasso écrits, Paris, Gallimard/RMN, 1989, p XIII], par la nécessité impérieuse du geste calligraphique et sa prolixité. Et Malévitch multiplie ses dessins, la plupart au crayon, donc en noir et blanc, au moment où il écrit par la plume sa pensée. Nous l’avons dit, c’est là un dialogue, une activité identique et dissemblable. Ce qui est remarquable, c’est la recherche d’une nouvelle image du monde, cette image qui avait été mise à mal ou aplatie par les matérialismes de la « modernité ». Là encore, le prétendu « nihilisme » malévitchien montre sa véritable face, une face à travers laquelle le monde se révèle.
Malévitch (suite) [CHAPITRE VI] Le cubo-futurisme cabossé, 1912-1913
By Jean-Claude on Août 14th, 2022
[CHAPITRE VI]
Le cubo-futurisme cabossé, 1912-1913
Brûlant les étapes, Malévitch poursuit ses métaphores stylistiques en accentuant encore le modelé de son cylindrisme de 1912, et en bosselant les éléments figuratifs. La méthode consiste à prendre une œuvre d’une autre culture picturale et à lui faire subir un traitement cubofuturiste. Ainsi, pour Matin au village après la tempête de neige, Malévitch est sans doute parti d’un tableau impressionniste comme celui de la série de Camille Pissarro consacrée entre 1890 et 1895 à la prairie d’Éragny, vue à différents moments de la journée, avec un aperçu sur le village de Bazincourt, dont un exemplaire (Éragny, matin d’automne) se trouvait dans la collection d’Ivan Morozov. À propos d’un des tableaux de cette série, on trouve ces descriptions :
“L’artiste a fait ressortir le blanc de la neige grâce à des nuances de jaune, d’orange, de beige et de rose. Les ombres des arbres et les branchages sont rendus en tons froids de violet, de vert, de bleu et de gris. La lumière crue d’un matin froid est saisie en de subtiles variations de ces pigments mélangés au blanc.”
[Christopher Lloyd et Anne Distel, « Matin effet de soleil, hiver à Érigny-sur-Epte, 1895 », in Pissarro, Paris, RMN, 1981, p. 136. Je remercie John Malmstad qui a attiré mon attention sur cette confrontation.]
N’est-ce pas là la gamme essentielle du Matin au village après la tempête de neige ? Malévitch est de toute évidence sorti du système coloré impressionniste pour n’en garder que la lumière qui « comme état des mouvements colorés […], n’est rien d’autre qu’un aspect particulier de la matière picturale d’une certaine densité [K. Malévitch, « La lumière et la couleur », in Écrits IV. La lumière et la couleur, op. cit., p. 87] :
“Le pointillisme a été la dernière tentative dans la science picturale qui s’est
efforcée de révéler la lumière, ils furent les derniers à croire dans le soleil, à croire
en sa lumière et en sa force. Que seul il révélera par ses rayons la vérité des œuvres “. [Ibid., p. 68]
Les œuvres cubo-futuristes de 1912-1913 sont toutes « illuminées », mais il n’y a pas de source lumineuse précise qui guide la distribution des zones sombres et des zones éclairées. La lumière et l’ombre fusent de la peinture elle-même. Elles sont picturales et réparties sur la surface de la toile selon des impératifs purement structurels.
Dans Matin au village après la tempête de neige il y a comme un écho du Paysage avec des personnages de Gleizes (1911, MNAM). Mais là où Gleizes reste fidèle à une interprétation géométrique sage de Cézanne, Malévitch cabosse outrageusement la surface plane, accentue la mise en volume et les contrastes dynamiques (en particulier au moyen des dégradés) d’un paysage sous la neige. L’image n’est pas « pulvérisée », « vue de plusieurs côtés », détruite dans son apparence, pour être reconstruite dans l’ordre pictural. Elle reste dans sa phénoménalité. La métaphore vient de la mise en œuvre du précepte cézannien et d’une gamme colorée totalement inédite. À ce propos, le peintre écrit : « La lumière métallique de la modernité ne correspond pas à la lumière de la chandelle en suif du temps de Rubens ou de Rembrandt.” [K. Malévitch, « De l’élément additionnel en peinture » [vers 1925], in Écrits IV. La lumière et la couleur, op. cit., p. 140]
En 1913, le critique Yakov Tugendhold voit son œuvre comme un mélange de nationalisme et de futurisme :
“Comme patriote il embellit le monde avec les couleurs du drapeau national, mais comme futuriste il le représente sous l’aspect d’un chaos de chaudières à vapeur et de cylindres et il enferme même les pauvres paysans et paysannes russes dans la cuirasse magnifique de l’industrie.”
[Y. Tugendhold, « Moskovskiyé pis’ma » [Lettres moscovites], Apollon, 1913, no 4, Khronika, p. 59]
Il est curieux qu’on ait pu voir dans l’Ukraino-Polonais Malévitch un nationaliste russe ! Pour comprendre cette phrase, il faut se souvenir que le drapeau russe avant la révolution était tricolore (blanc-bleu-rouge). Mais le drapeau français comporte les mêmes couleurs dans un autre ordre. Aussi la gamme colorée malévitchienne qui paraissait à Tugendhold provenir du drapeau national russe peut-elle être due avec la même validité à l’influence de Léger chez qui on la trouve ; or l’Essai pour « Trois Portraits » [Cf. Jean-Claude Marcadé, « Léger et la Russie », in Fernand Léger, revue Europe, juin- juillet 1997, p. 58-72] avait été montré au Valet de carreau en 1912 et l’œuvre est citée dans la toile de Malévitch par les rythmes circulaires des fumées sortant des cheminées des deux izbas qui bordent la route. Emmanuel Martineau a fait un beau commentaire de cette toile :
“La nature, pendant la nuit, a été transfigurée et blanchie par la neige, qui en a fait un monde. La neige, en transfigurant la nature, ne lui impose aucune configuration nouvelle, mais lui restitue son innocence originelle ; en la blanchissant, elle ne lui impose aucune lumière nouvelle, mais lui restitue sa joie claire. La nature, la première, est devenue l’image.
L’homme, en elle, avance. Il tourne le dos au « spectateur », mais non point à qui veut bien regarder la toile, au contraire. Ne se détourne de nous que l’effigie usuelle de l’homme, sa « figure ». Car celle-ci, désormais, n’est plus autre que celle des amas de neige où l’homme s’est frayé un chemin, que celle des collines qui s’élèvent à son horizon. L’homme, en sortant dans le monde, y devient lui aussi l’image, et c’est elle qui se retourne résolument vers nous.”[Emmanuel Martineau, « Malévitch et l’énigme “cubiste”. 36 propositions en marge de Des nouveaux systèmes en art », in Malévitch. Colloque international…, p. 70.]
Nous notons en effet que dans cette œuvre comme dans la Femme au seau du MoMA nous ne voyons plus les visages. Les têtes sont réduites dans un cas à des triangles, dans l’autre à un cône renversé.
La Femme au seau porte au dos la notation « Décomposition dynamique de la Paysanne aux seaux <et enfant> [SMA] ». L’indication est claire : il s’agit de la version « cubo-futuriste » du tableau peint dans le style néoprimitiviste que nous avons précédemment décrit. Les éléments iconographiques sont inversés de droite à gauche. La structure de base est construite sur des éléments cylindriques, coniques, trapézoïdaux ajustés en séries, selon un jeu alterné de zones sombres et claires restituant à la fois les volumes et le mouvement de la marche. Jamais dans l’histoire de la peinture on n’avait assisté à des transformations aussi radicales de modèles iconographiques. Certes, il y a toujours eu la reprise de sujets anciens dans des styles nouveaux (les « Trois Grâces », par exemple). Mais ce qui se passe à partir des Demoiselles d’Avignon et qui culminera avec Les Ménines du même Picasso trois décennies plus tard, ce n’est plus une simple transposition d’une époque à une autre, mais une déconstruction du sujet, sa « récriture », son passage dans des codes plastiques totalement nouveaux. L’idole, participant à la fois de la civilisation de la pierre et du bois, dans la Paysanne aux seaux <et enfant>, se métamorphose en un « robot agreste » (Michel Draguet), un échafaudage métallique dans la Femme au seau du MoMA. Les baquets de bois de la palanche sont devenus des cônes tronqués métallisés, des tôles gondolées, dont la forme est devenue le principe plastique de cette toile. La même transmutation, la même futurisation du primitivisme s’opère dans des œuvres aujourd’hui perdues, Rue à la campagne (Nakov, F-322) et Scène des charpentiers (Nakov, F-318), où le bois se fait également métal. De plus, on constate que Malévitch oscille entre la simplification la plus élémentaire et l’accumulation des éléments figuratifs, entre l’économie et la surabondance. Nous retrouverons cette alternance quasi simultanée en 1914-1915 lors du saut dans le sans-objet.
Malévitch a créé le terme « cubo-futurisme » ; il l’emploie, le justifie et l’utilise pour toutes les œuvres cubistes « empreintes d’une certaine inquiétude 112 » [K. Malévitch, « Le cubo-futurisme » (Nova Guénératsiya, 1929, no 10), in Kazimir Malévitch, Écrits, p. 523]. Malévitch avait bien vu que le principe dynamique était déjà présent chez Cézanne et, à sa suite, dans les toiles précubistes de Braque, voire de Picasso (par exemple Famille d’Arlequins, 1908, collection E. von der Heydt). Mais, évidemment, « l’idéal du futurisme repose dans Van Gogh […] qui a fait passer l’idée du Pan-Mouvement du Monde » [K. Malévitch, « Aux novateurs du monde entier » [1919], in Écrits IV. La lumière et la couleur, op. cit., p. 42.]. Il n’est donc pas étonnant que le « statisme » prêté au cubisme soit très souvent mis en branle par cet héritage picturologique postimpressionniste. C’est cette potentialité dynamique, ce frémissement prêt à se manifester, cette énergie en suspension, dans une structure architectonique postcézannienne, que l’on peut nommer le cubofuturisme. De ce point de vue, le Nu descendant un escalier de Marcel Duchamp (qui est absent des débats esthétiques en Russie) est un exemple par excellence de cubo-futurisme (une structure cubiste traversée par les vibrations et les oscillations d’un mouvement prêt à s’ébranler).
Malévitch (suite) : CHAPITRE V Le cézannisme géométrique futuriste
By Jean-Claude on Août 6th, 2022
[CHAPITRE V]
Le cézannisme géométrique futuriste
En 1912, le thème paysan s’incarne chez Malévitch dans un nouveau style. Au schématisme et au laconisme naïf du néoprimitivisme, le peintre combine les principes du cézannisme géométrique (traitement stéréométrique des formes, construction non illusionniste de l’espace) et la métallisation futuriste des couleurs. La Récolte de seigle, le Bûcheron, le Matin au village après la tempête de neige , la Femme au seau (MoMA) répondent à une mise en pratique du fameux précepte de Cézanne dans sa lettre à Émile Bernard du 15 avril 1904 :
“Traitez la nature par le cylindre, la sphère, le cône, le tout mis en perspective. […] La nature, pour nous, hommes, est plus en profondeur qu’en surface.”
On sait la fortune que cette déclaration de Cézanne a eue parmi les peintres que l’on appellera cubistes. On peut dire que l’interprétation qu’en donne Malévitch est tout à fait originale par rapport à celle des peintres parisiens, qu’il s’agisse des œuvres de Picasso et de Braque entre 1907 et 1909, ou encore des Nus dans la forêt (1910) de Léger, que certains critiques ont pu rapprocher des tableaux de Malévitch. Ce que Louis Vauxcelles appela en 1911 le « tubisme » de Léger montre seulement une convergence avec les éléments iconographiques intervenant dans l’architecture des tableaux de Malévitch en 1912. Sans aucun doute, il est possible d’établir un rapport entre Malévitch et Léger à cette époque.
Mais à mon avis, s’il y a des concordances évidentes dans la mise en géométrisation de la nature que tous les grands peintres européens ont pratiquée après 1907, c’est que chacun d’eux a réfléchi de façon personnelle au legs picturologique et conceptuel de Cézanne. Chaque peintre a traduit selon son prisme artistique cette «impulsion vers une nouvelle facture de la surface picturale en tant que telle » qu’a donnée Cézanne.
“Dans le paysage cézannien nous trouvons très peu d’éléments illusionnistes ; il en résulte que le moindre paysage cézannien nous transporte dans l’émotion de la réalité. Il nous arrête ainsi dans un seul être et ne transporte pas mon moi dans un autre temps, il l’oblige à vivre la réalité du tableau d’un seul et même temps.”
’[K. Malévitch, « Analyse du nouvel art représentateur [= plastique] (Paul Cézanne) », in Kazimir Malévitch, Écrits, p. 431-432.]
. Dans La Récolte de seigle et le Bûcheron, les contours des personnages et les motifs paysagistes restent entièrement lisibles. La perspective n’est pas encore totalement abandonnée mais elle perd son statut illusionniste. Un contraste vigoureux est créé entre la rigidité hiératique et statique des gestes, figés à un instant du mouvement, et les glissements, les déplacements dynamiques des volumes géométriques assemblés comme les rouages mécaniques d’une machine. Il s’agit d’œuvres, disons conventionnellement, « précubistes ». Il est remarquable que l’influence directe du cubisme analytique de type parisien ne se manifeste dans toute son ampleur qu’à partir de 1913-1914 en Russie et chez Malévitch en particulier. Avant cette date, on note chez l’auteur de La Récolte de seigle et du Bûcheron une radicalisation du cézannisme géométrique avec un apport conceptuel du futurisme italien. Cet apport se traduit par la construction du tableau comme combinaison, agencement de pièces couvertes d’une peinture métallisée. C’est à partir de cette conjugaison du géométrisme postcézannien et de l’esprit mécaniciste industriel du futurisme que Malévitch a pu forger le terme de « cubo-futurisme ».
Dans cette « machinisation » de l’espace pictural, proche de Léger, il y a des germes du futur constructiviste du début des années 1920. Mais ici aussi Malévitch est parti d’une structure de base qui était la structure iconographique et formelle de l’imagerie populaire, du loubok. Il a d’emblée créé un nouveau tableau primitiviste, ce qu’il a lui-même nommé un « nouveau style russe ». Pour cela, il a fait – répétons-le – le chemin inverse des peintres français : il a incorporé les découvertes formelles du postcézannisme à une structure de base primitiviste russe. L’iconographie du « bûcheron », même si elle coïncide en quelque lieu avec celle du Léger des Nus dans la forêt (appelés, d’ailleurs, par Malévitch lui-même, à la suite d’Apollinaire, Les Bûcherons)[Guillaume Apollinaire, « Fernand Léger » [1913], in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, t. II, p. 41.], nous renvoie au bois. La matière ligneuse et compacte des arbres est l’essence même de la culture paysanne russe. Les palais, les izbas, la sculpture ornementale, religieuse, populaire, les icônes, les églises étaient à une époque presque uniquement en bois. Sur le Bûcheron, on voit des rondins comme préparés pour la construction d’une izba. Nous verrons ce thème s’enrichir encore dans le Portrait perfectionné d’Ivan V assiliévitch Kliounkov. Il est donc remarquable que Malévitch concilie sur ces images tubulaires ou cylindriques (La Récolte de seigle) la « culture métallique urbaine » et la « culture provinciale paysanne ».
“En prenant en considération que le futurisme n’est pas un art de province, un art de paysan qui a peuplé la province, mais un art d’ouvrier, de citadin, lequel présente une culture totalement opposée au paysan, d’autres conditions que dans la paysannerie sont créées pour l’art. Les futuristes aussi bien que les ouvriers sont occupés à un seul et même travail – l’édification des objets en mouvement, ou bien des formules en mouvement, des mesureurs de force, sous la forme picturale et sous la forme de la machine. […] La province proteste contre les phénomènes inhabituels, même quand il s’agit des instruments agricoles, car ils sont des destructeurs de la civilisation de l’araire individuel, elle défend l’araire et l’oppose à la charrue électrique.
De là on peut déduire que tôt ou tard la culture urbaine s’emparera de toute la province et la soumettra à sa technique et à sa lumière, la privera d’une vie normale et créera la norme de la ville.”
[[K. Malévitch, « Vvédiéniyé v téoriyou pribavotchnovo èlémenta v jivopissi » [Introduction à la théorie de l’élément additionnel en peinture] [1923], in K. Malevics, A Targyélkiküli Vilag, Mainz, Florian Kypferberg, p. 37 (fac-similé des épreuves du texte de Malévitch utilisé pour la traduction en allemand dans les Cahiers du Bauhaus [Die gegenstandslose Welt, Munich, 1927) : on voit que le traducteur, Alexander von Riesen, s’est permis des « arrangements » avec l’original (cf. Jean-Claude Marcadé, « Malévitch Kazimir, Le Suprématisme : le Monde sans-objet ou le Repos éternel, présentation et traduction du russe de Gérard Conio, CH-Gollion, InFolio, 2011, 489 pages », Revue des études slaves, 2012, fasc. 4, p. 1180-1184. Une nouvelle traduction allemande, fidèle à l’original, vient d’être faite par Anja Stroßberger sous le titre Die Welt als Ungegenständlichkeit dans le catalogue Kasimir Malewitsch. Die Welt als Ungegenständlichkeit, sous la direction de Britta Tanja Dümpelmann, Bâle, Kunstmuseum Basel, 2014, p. 147-201. Sur la non-justification d’avoir remplacé gegenstandslos par ungegenständlich, voir p. 188.]
On verra comment, à la fin des années 1920, après la purification suprématiste, Malévitch reviendra au thème de la campagne comme lieu menacé de l’authenticité du monde.
Le même contraste entre géométrisme, futurisme et primitivisme domine dans La Récolte de seigle. Les jambes et les pieds des deux paysannes du premier plan empruntent la raideur de leurs contours à la rigidité des bottes paysannes russes en feutre (les valienki, qui ont un aspect cylindrique). Le fait que les valienki sont des chaussures d’hiver alors que nous avons ici une scène d’été montre seulement – une fois de plus – que l’image malévitchienne n’est en aucune façon un tableau de genre, mais une vision synthétique qui va au cœur même de son sujet, dans son être, à ce fondement du monde qu’est le pictural en tant que tel. Si l’on compare avec la Moissonneuse du musée d’Astrakhan (1912) ou avec celles, tardives (fin des années 1920), du MNR, on constate que la courbe est le principe plastique dominant, avec une accentuation de la courbure dorsale (celle qui fait se pencher vers la glèbe), et et l’on voit se manifester une sorte d’opposition-conciliation entre la mise en cylindre (champ de seigle et bottes liées) et ce geste archaïque sacral : toucher la terre de la main est un contact religieux avec la« Terre-Mère-Humide » qu’incarnera, dans l’inconscient collectif russien, la Theotokos, la Mère de Dieu .
[Cf. Alain Besançon, Le Tsarévitch immolé, Paris, Plon, 1967.]
MALÉVITCH “N°3 MAISON ROUGE 1932”
By Jean-Claude on Juil 7th, 2022
N°3 MAISON ROUGE 1932
HUILE, CRAIE, PLÂTRE/CONTREPLAQUÉ
J’ai examiné dans l’original ce tableau. Cette peinture est signée en bas à droite « KM ». Au dos, est écrit en russe « N°3 Maison rouge » avec la signature en cyrillique « KMalévitch » et la date « 1932 ». Une analyse de laboratoire approfondie a été faite par le « Bureau d’expertise technologique « Art-Lab’ », sis à Kiev (voir sur la Toile : www.art.lab.com.ua), elle démontre que tous les éléments de ce tableau (son vieillissement, sa pigmentation, ses signatures, son inscription autographe) ne sont pas contradictoires avec les données des tableaux du peintre ukrainien de la fin des années 1920 au début des années 1930.
Selon mon opinion, je considère cette œuvre comme étant de la main de Kazimir Malévitch. Elle provient de la même collection kiévienne que Torse féminin n°1 que j’ai étudié et sur lequel j’ai écrit un article de fond (Voir sur la Toile).
En 1927, après son unique voyage à l’étranger, en Pologne et en Allemagne – voyage brusquement interrompu –, Malévitch est l’objet de tracasseries incessantes et même arrêté, mis en prison en 1930 et, selon certains témoignages, torturé. Il avait laissé à Berlin ses tableaux et ses manuscrits, avec une note où il prévoyait « l’éventualité de [sa] mort et [son] emprisonnement à vie ».,
Si, avant l’emprisonnement de 1930, Malévitch avait été en quête d’une « nouvelle image » suprématiste, qu’il a pu baptiser « supronaturalisme », après l’épisode de la prison, une dominante tragique se développe avec des personnages et des objets qui deviennent de plus en plus majoritairement des représentations de l’humanité souffrante. Cependant, l’artiste continue à suprématiser sa nouvelle iconographie. C’est ainsi qu’il inscrit au dos de la toile du début des années 1930, Deux figures masculines, du Musée national russe :
“L’ingénieur, pour exprimer ses desseins, utilise tel ou tel matériau ; l’artiste, pour l’expression des sensations de couleurs, prend telle ou telle forme de la nature. K. Malévitch 1913 [sic !] Kountsévo.”
Ses lettres du début des années 1930 montrent son désarroi. La mort est de plus en plus présente dans sa vie psychique et sa création (l’homme crucifié, les cercueils, la prison, les croix, etc.). L’exemple de Maïakovski, qui s’était suicidé en avril 1930, le hante et il évoque la phrase de la lettre d’adieu du poète :
« La barque de l’amour s’est fracassée sur le quotidien. »
Malévitch ne cesse pas de peindre, il propose de nouveaux développements, en réaffirmant l’essentiel du suprématisme sur «le déploiement de la couleur et son dépérissement de par la dépendance des tensions dynamiques » [Lettre de K.M. Malévitch à L.M. Antokolski du 15 juin 1931]. Ce climat de déréliction tragique de l’homme «jeté dans le monde » se manifeste dans ce chef-d’œuvre absolu de 1932 qu’est Pressentiment complexe.
Le thème de la maison rouge sans fenêtres apparaît. C’est la prison dans laquelle est désormais enfermé l’homme dans la société totalitaire.
Le thème de la maison sans fenêtres était apparu, avant l’emprisonnement en 1928-1930. Il semble qu’il s’agisse alors d’une réduction primitiviste minimaliste de la philosophie architecturale du peintres, de son “architectonie” aux formes si complexes. Comme le personnage du Torse féminin N° 1 qu’il côtoie,
cette maison est encore une énigme de ce que sera l’habitation de l’être humain dans l’avenir.
Toutes les maisons, dessinées ou peintes à la fin des années 1920 sont de cette même couleur blanche qui est celle des khatas ukrainiennes.
Pour comprendre l’iconographie primitiviste de la « maison » dans la second phase du suprématisme après 1927 il faut essayer d’élucider la question du « retour à l’image » opéré par le fondateur de l’abstraction la plus radicale du XXème siècle, la bespredmietnost’, le sans-objet. Et pour cela le peintre nous a donné une clef pour sa compréhension, c’est un passage de première importance de la lettre de Malévitch à Vsévolod Meyerhold du 8 avril 1933. Dans cette lettre, l’artiste ukrainien prend acte du fait qu’« à l’époque de la construction socialiste », « l’Art doit revenir dans les terrains arriérés et devenir imagé » et que « la peinture est sortie de sa voie sans-objet ». Malévitch va alors suprématiser cette nouvelle donnée d’une « image, promue par la révolution prolétarienne » et porter tout son Kunstwollen à donner à cette nouvelle image « une forme, c’est-à-dire l’élever sur le plan d’un phénomène artistique et les nouveaux arts, enrichis de nouvelles gammes picturales, d’une forme, d’une composition nouvelles, doivent former cette image sur un plan artistique, c’est-à-dire ériger tout objet thématique en tableau et le tableau, c’est la surface plane du développement bimensionnel frontal du contenu devant le spectateur. Ainsi la Peinture, après son retour sur la voie de l’image et du tableau doit parvenir au cadre dans lequel il construit aussi son tableau ».
Dans l’ultime phase suprématiste entre 1930 et 1933, l’artiste souligne constamment qu’il n’a pas renié le suprématisme. Lors de la phase du sans-objet (1915-1920), le contenu du tableau n’avait pas de limites spatiales et était dans l’infini de l’Univers :
« Je n’ai qu’une seule icône toute nue et sans cadre »,
écrit le peintre ukrainien à Alexandre Benois en mai 1916. Après 1927, il fait descendre sa nouvelle image suprématiste de l’espace infini du monde sur la Terre. Ciel et terre sont désormais unis sur une surface délimitée.
Un des derniers tableaux de Malévitch, Homme qui court du MNAM, exécuté autour de 1933, comporte une iconographie particulièrement énigmatique.
En fait, il s’agit d’un paysan qui fuit visiblement de la maison blanche et tend la main devant une croix rouge à l’extrémité noire. Or la maison blanche, la khata ukrainienne, est séparée de la maison rouge par une croix blanche transformée par son manche en épée à l’extrémité rouge On note la gamme typiquement suprématiste du blanc, du rouge et du noir, mais ici cette gamme colorée a une tonalité symbolique particulièrement
inquiétante et angoissante. C’est, à ma connaissance, la seule fois que la khata blanche apparaît dans l’iconographie malévitchienne après 1930. Elle apparaît pour être opposée à la maison rouge par un épée ensanglantée : la couleur rouge, n’est plus celle de la beauté du monde paysan russien comme dans le premier suprématisme, elle est désormais celle de l’enfermement, de la souffrance, de la Passion, ce qui se répercute sur la grande croix rouge devant le bras noir suppliant de l’homme courant vers son destin…
Le tableau N°3 Maison rouge frappe par la brutalité des coups de pinceau, tel un puissant geste de graffiti, le primitivisme étant le trait distinctif dominant de cette œuvre qui paraît être de toute évidence une esquisse préparatoire pour le tableau Maison rouge 1932 du Musée national russe à Saint-Pétersbourg.
C ДНЁМ СВЯТОГО ДУХА!
By Jean-Claude on Juin 12th, 2022
Поздравляю всех далёких-близких людей с ДНЁМ СВЯТОГО ДУХА!
“Nous connaissons la Sainte Trinité à travers l’Église, et l’Église à travers la révélation de la Sainte Trinité. À la lumière du dogme de la Trinité, la sobornost’ se manifeste comme une identité de l’unité et de la pluralité, de l’unité qui se manifeste dans une pluralité diverse, et cette diversité continue d’être unie. Ainsi, il n’y pas en Dieu de nature hors de ses trois Personnes ; dans l’Église, l’universalité abstraite n’existe pas, mais il y a un accord parfait de la diversité plurielle ecclésiale. De même qu’en Dieu chaque personne – le Père, le Fils et le Saint-Esprit – ne sont pas des parties de la Trinité mais Dieu dans son entier, ainsi l’Église, elle aussi, n’est pas une certaine fédération de ses parties ; elle est ecclésiale dans chacune de ses parties puisque chaque partie est identique au tout, l’exprime et n’existe pas hors de ce tout. C’est pourquoi la sobornost’ se manifeste de diverses façons dans l’histoire de l’Église.”
Vladimir Lossky
“FEMALE TORSO No. 1” BY MALEVICH IS THE IMAGE OF THE NEW SUPREMATIVE ICONICITY
By Jean-Claude on Mai 15th, 2022
Jean-Claude Marcadé
“FEMALE TORSO No. 1” BY MALEVICH IS THE IMAGE OF THE NEW SUPREMATIVE ICONICITY
The painting “Female Torso No. 1” (oil on wood, 41 x 31 cm), which appeared in a private collection in Kyiv, brings new light to one rather mysterious series of the late 1920s, which was shown in a retrospective exhibition of Malevich in Tretyakov Gallery (Moscow) in 1929 and in the Art Gallery (Kyiv) in 1930. It is still difficult to classify the artist’s paintings after 1927. “Female Torso No. 1” allows us to bring in some order to this important part of the paintings of the Ukrainian artist.
BACKGROUND
Between 1928 and 1934, the founder of Suprematism intensively returns to painting and creates more than two hundred works, the exact chronology of which cannot be established today. We only know that for a retrospective exhibition at the Tretyakov Gallery in 1929 and at the Art Gallery in 1930 in Kyiv, Malevich draws a series of impressionist paintings which he dates by the beginning of the 20th century and depicts the peasant themes of 1912-1913 in a new way, which he also antidates.
The artist then reinterprets his early cubofuturism, leaving the old dating. He dates works made in the late 1920s by the pictorial culture that they represent, and not by the date of their drawing. Thus, “Female Torso No. 1” is dated as of 1910, and we will return again to this problem. The entire series of the works (“The Mower” at the Tretyakov Gallery, “At the Cottage”, “Van’ka Boy” at the State Russian Museum, etc.) employs again the early cubofuturistic elements in order to bring them into a structure that takes into account the achievement of Suprematism.
So, this structure is built of colorful stripes for the background and simplified planes for the body of the characters (see “Girls in the field” at the State Russian Museum[1]). The invariant verticality of those characters who, like in the church icon, occupy the central space of the picture is noted. In post-suprematism, a person stands in front of a universe whose color rhythms pass through him/her. The horizon line is low. There is no real color simulation.
THE MEANING OF ICON PAINTING
Malevich’s return to the image after 1927 is actually a synthesis in which objectivity pierces people depicted in the position of eternity. Between 1909 and 1913, the face of the painter Ivan Klyun served as the plot of various stylistic metamorphoses, symbolist, primitivist, geometric, cubofuturistic, realistically abstruse. After 1927, it became the paradigmatic face of the peasant, adopting the basic structure of the prototypes of icon painting, in particular the Pantocrator or the Miraculous Savior[2].
This borrowing of the basic system of some icons is not, as in Boychukism, a “juggling of centuries” [“tricherie avec les siècles”] as Apollinaire[3] puts it, but a modern application of icon painting as a “form of the highest culture of peasant art”[4]:
“Through icon painting, I understood the emotional art of the peasants, which I loved before, but did not understand the whole meaning that was discovered after studying the icons.”[5]
POSITION IN THIS CONTEXT OF THE PICTURE “WOMEN’S TORSO No. 1”
The four main elements are of great interest in this work: its iconicity, its popular primitivism, its alogism, and its energy of color.
SUPREMATIC ICONICITY
The painting “Female Torso No. 1” is painted on a linden board. Its background consists of oil paint, to which animal glue and chalk are mixed. Linden wood is one of the noble materials used by icon painters in Russia and in the Balkans; glue and chalk are an integral part of gesso, with which artists cover the board before they integrate the drawing into the plot. This drawing is called the sketch, it draws the outline of the plot before applying paints.
In the painting “Female Torso No. 1”, it is clear that Malevich returns to the principle of the icon-picture, which he initiated in the early 1910s, but here he applies a new structure. Of course, Malevich is not an icon painter, he is a painter who wanted to give the easel picture the same structural and metaphysical setting as the church icon in order to develop a new image of the universe. In this, we repeat, it differs from the Byzantine Boychukist school, which strove to garment modern reality in the forms of traditional icon painting.
On the formal side, you can consider “Female Torso No. 1” as a suprematization of the icon. He is the prototype of a series of paintings and drawings between 1928 and 1932.
The works that immediately followed this prototype are known: the canvas “Torso. The First Formation of a New Image 1928-1929” in the Tretyakov Gallery, on the back of which is written by Malevich’s hand: “No. 3 The First Formation of a New Image. The Problem is Color and Form and Content,”[6]
and on the back of our painting “Female Torso No. 1”, Malevich wrote: “No. 1 Female Torso color and shape“
; another “Female Torso 1928-1929” is also known, which is also in the State Russian Museum, oil on plywood, on the back of which the artist writes with his own hand: “No. 4 female torso – Development of the 1918 motive.”
My hypothesis is that another canvas of the same late 1920s, located in the State Russian Museum, which has an identical structure as our “Female Torso No. 1”, namely, “Torso (figure with a pink face) 1928-1929”[8]
is actually number 2 which immediately follows number 1 (our “Female Torso”) and precedes number 3.
That is, Malevich used “Female Torso No. 1” as a prototype from which he created variations in the likeness of a composite of paints and shapes. This hypothesis seems to me confirmed by the presence of two holes on both sides of the board, indicating that it was nailed to serve as a model for further work.
Let us go back to the “Female Torso No. 4”
, since here we are talking about a new step in developing the “new image”: the female face has an eye and a mouth, but also without the slightest realism (for example, there is no direct image of the nose); the suprematic iconic timeless character of the image is fully marked.
DATING
We find, as in our painting “Female Torso No. 1”, dating of 1910 in the works which, most likely, follow from this prototype. To understand what the Ukrainian artist is implying, one should recall his letter to L. M. Lisitzky dated February 11, 1925, at the time when he was attacked by the adherents of Marxism-Leninism and he was accused of idealism and mysticism. He not only does not give up his thoughts, but also reinforces them with his highly metaphorical-metonymic style, Gogol’s biting humor. Speaking about his heads of the “Orthodox peasants” of the early 1910s, he announces:
“It turned out, I painted the ordinary head of a peasant that it is unusual, and really if you look from the point of view of the East, then it’s everything that is ordinary for Westerners, then for people of the East it becomes unusual, everything ordinary turns to the Icon, for the East is iconic and it is, and the West is a machine, an object, a toilet, utilitarianism, technology, and here is a plant and factories, this is a new hell from which People will be freed through a new image, that is, through a new Savior. I painted this Savior in 1909-1910, he became a savior through the Revolution, the Revolution is only a banner, the thesis through which he became a synthesis, that is, the “New Savior” […]
I did not go “past the Revolution” – on the contrary, I foresaw its synthesis back in 1909-1910 in the New Savior. And this is now becoming the main thing. The Tatlin Tower is a fiction of Western technology, he will now send it to the Paris exhibition, and of course he can also build a reinforced concrete urinal so that everyone can find a corner. It’s so clear to me that without a lamp I can write (paint) about the West and the East. “[9]
So it is natural that Malevich, when he returns to easel painting and seeks to convey “in color and form”, as it is written in our “Female Torso No. 1”, a new image-icon of a man and the world, continues his poetics of the beginning of 1910 when the image of the peasant (not in the sociological sense of the word, but in the sense of a man in the lap of nature) is revealed in the prism of the image of the Orthodox.
In this section, we find the same iconic features in the late 1920s in the painting “Suprematism in the contour of a peasant woman” [“Woman with a rake“] from the Tretyakov Gallery
or in “Girls in the field”
and “Suprematism in the contour of athletes” from the State Russian Museum[10],
which are in the spirit of our “Female Torso No. 1”, which affirms the purely pictorial framework of the artist.
Malevich could say that he does not portray the faces of many of his characters because he does not see the person of the future, or most likely because the future is an unknown mystery.
Christological references are present in many images of post-Suprematist creativity, often they are camouflaged.
Among the impulses that could lead the artist to these “faceless faces”, there is the Roman Catholic practice of worship (adoratio) before the wafer (guest) in a monstranza (ostensorium).
Despite the fact that Kazimir Severinovich, being baptized according to the Roman Catholic rite, was not a churchman, he in all probability visited churches in childhood and in his youth. In addition, we know from correspondence with M.O. Gershenzon in 1920 from Vitebsk that he “returned or entered the religious world”:
“I don’t know why this happened, I go to churches, look at the saints and the whole spiritual world”[11]
Could the artist, among the impulses from the “Religious World”, receive an impulse from worship in front of a guest who is in the hole of the Catholic Ostensarium. And there is “presence-absence.”
The ostensarium well is round or sickle-shaped. Just “faceless faces” have a lunar contour. The monstrance’s hole was traditionally surrounded by bronze, silver or gold artwork, often depicting the sun. But she could have been without this ornament. Namely Malevich wants to leave the Solar World, leaving only a contemplation of the Pure action.
It should be noted that Malevich refers to the adoration of the Blessed Sacrament in the Catholic Church in his astonishing text on Lenin “Extract from the book on the Objectlessness” (1924):
« Lenin was buried in a glass coffin for no other reason except that he should be seen as a Blessed Sacrament.This forecast that I wrote has really come true. When I wrote it I did not know about the idea of the glass slit. I had considered the idea of the glass coffin supposing that a man who has been sanctified is a Blessed Sacrament, and the degree of his holiness corresponds to the holy sacrament in the Catholic world in which the Sacrament is put under glass.”( Malevich III, The world as Non-Objectivity. Unpublished writings, 1922-25. (ed. Troels Andersen),Borgen, 1976, p. 315-36)
PRIMITIVISM
Malevich calls in this era for exposure, not for wild accumulation. This return to primary rhythms, to the minimalism of figurative expression, also deals with the poetics of folk art, which seeks visual efficiency with the help of sketchy drawings. Dmytro Gorbachov showed how these Malevich’s “faceless faces” resemble rag dolls created in the peasant Ukrainian world. It is interesting to note that since July 1930, two paintings of the peasant cycle were among the exhibits of the exhibition “Sowjetmalerei” (Soviet painting) in Berlin. They were dated 1913 and 1915! The critic Adolf Donat describes them as figurative paintings depicting characters resembling tight and faceless dolls in front of flat landscapes. He adds:
“That ‘colossus’ is visible, in which a person is displaced simultaneously in the arts and around them.”[12]
In the same way, the colored stripes that have the figure of the “Female Torso No. 1” next to them, are a kind of picturesque echo of those polychrome stripes on the aprons of the Ukrainian peasant women, like many handmade towels and carpets, especially in Polesie, where the Malevich’s family comes from. The artist even used these stripes in a lot of post-suprematic paintings and even they make up objectless (pointless) canvas painting of 1932 from the State Russian Museum[13]. These polychrome abstract stripes refer to aerial vision of the fields. This is the last statement of outer space, which protrudes through the contours of man and nature. Suprematism blew up any visible realistic outline, while post-Suprematism restores the visible outline of things, while preserving the demands of “peace as pointlessness.”
The theme of the windowless house also appears before Malevich’s prison and interrogations at the GPU from late September to early December 1930. Here, it seems, the matter is about a simplified minimalist primitivistic arrangement, almost graffiti, of the painter’s architectural thought, his “architectons” with its so complex form; like the character of “Female Torso No. 1”, with whom he adjoins, this house is another mystery of what will be the dwelling of a human being in the future. All houses depicted or painted in 1928-1930 have the same white color of Ukrainian huts. After 1930, this primitive house will become the emblem of a prison symbolized by the Red House from the State Russian Museum[14], in which a man of a totalitarian society is already imprisoned and where red expresses the suffering to which the prisoner is subjected.
In the same way, after being subjected to the interrogations by the KGB and spending time in prison, Malevich’s faceless characters become more and more representatives of suffering humanity; they seem to be connected, ugly. Nevertheless, the artist continues to adhere in parallel to the task that he expressed in “Women’s Torso No. 1,” namely, the further development of the purely pictorial problem of “color and form.” In this regard, he wrote on the back of the canvas of the 1930s “Two male figures” from the State Russian Museum:
“An engineer uses one or another material to express his purpose, the artist painter takes one form or another of nature to express color sensations. K. Malevich 1913 Kuntsevo.”[15]
It’s funny that Malevich tried to write his text using pre-revolutionary spelling, supplying the endings in the consonants with a solid sign! Of course, he gives, as usual in these cases, not the date the drawing was painted, but the initial date when this purely formal task was conceptually conceived.
ALOGISM
The character of the “new image” in the form in which it is found in “Female Torso No. 1” is very peculiar: in it, at the same time, the woman is represented facing us and facing the universe. It seems that the right white part (face and torso) appears to us full-face, while the left red-black side, which is raised, gives the impression that the character turned to us backwards and looks at the world.
Another element, whether conscious or not for the artist, which may attract our curiosity, is an echo of the famous painting by Caspar David Friedrich, “The Monk by the Sea”, (1808-1810) from the Berlin National Gallery
This would mean that here the iconicity of Malevich’s work is coupled with the reference to the world art. Others paintings by Friedrich are even closer to “Female Torso No. 1” : “A Woman Before the Sunset” from the Folkwang Museum in Essen
or “Woman at a Window”

Une jeune femme se penche a la fenetre de l’atelier de Friedrich. C’est Caroline, l’epouse du peintre. Tournant le dos au spectateur, elle regarde couler l’Elbe. Les seuls signes de vie sont la femme, le vert delicat des peupliers, et le ciel de printemps. Dans ce travail, Friedrich a adopte un theme de predilection du romantisme, le cadre evoque un desir de l’inconnu. Le regard vers l’exterieur, contemplation de la nature, retour vers l’interieur de soi centre spirituel de l’individu.
See also “Traveler in Front of a Sea of Fog” from Kunsthalle in Hamburg.
The artist saw without a doubt the art of Friedrich when he was in Berlin in April-May 1927[16].
The alogism of the character’s representation in “Female Torso No. 1” can be found too in all three other paintings of this cycle: “Torso (Figure with a pink face) <No. 2>”, “Torso (Primary formation of a new image) No. 3” and “Female torso No. 4 ” We observe in all these paintings the same raised left shoulder, which turns its back on us. There is no depiction of hands that could be interpreted as a kind of disfigurement, as it will happen in the paintinge after 1930. In fact, one can imagine that the arms are crossed with a cross or tucked in the back or in the front. Moreover “Torso N° 3,(Primary formation of a new image), has one arm turned towards us and we can assume that on the left side which turned its back on us, the arm is folded down. And, moreover, it seems that Malevich wanted to dialogue, creating a new form, with the torsos of his compatriot Archipenko who, from 1914, created a whole series of truncated, armless female forms.
In No. 4 we note an even stronger alogism: on the left side we see the overlapping on the “shoulder” of elements that can indicate suprematist clothing with a collar. The contrast with the right-hand side turned towards us is very strong due to the bright presence of a white square on it on the shoulder, which is marked by a slight bend, while the beginning of the arm is represented.
The white veil surrounding the woman gives her the character of a Bride. Recall an article-poem in the Moscow newspaper Anarchy on June 12, 1918, “Engaged in a Horizon Ring,” which describes artists of all arts as lovers of the earth who seek its “hidden beauty”:[17]
“Beauty seekers walked across the face of the earth, among the rings of the horizon.”[18]
The earth appears as a “rich bride,”[19] to which “lovers engaged in a horizon ring aspire”[20].
COLOUR
Another significant element identified in the prototype of “Female Torso No. 1” is a matter of color. Striking in post-suprematist paintings is its generally bright polychrome. The “imaginary geometry” of suprematic forms corresponds to what might be called the “imaginary colors”, to the extent that the artist refutes the use in his painting of all scientific optical studies of the color prism. Already in 1913, the idea that the sun illuminates only the illusory world was approved in the cubic futuristic opera by M. Matyushina based on A.E. libretto Kruchenykh “Victory over the Sun”, in which the “black square” appears for the first time in Malevich’s sketch for “The Grave Digger”. From the 1919-1920s in Vitebsk, the artist reinforces the idea that color does not come from a light prism and that he determines the place of color in his letter to M.O. Gershenzon of April 11, 1920:
“For many years I was busy with my movement in colors, leaving aside the religion of the spirit.”[21]
He further, in the texts of the 1920s devoted to the question of “light and color,” invariably confirms that the pictorial color has nothing to do with prisms that optical science disassembles and analyzes.[22]
Note what Malevich declares about this during his teaching at the Kyiv Art Institute in 1928-1929, i.e. at the time when “Female Torso No. 1” was written; refuting the idea that a painter must resort to scientific research on color, such as, for example, Ostwald (you can add Chevreul and Helmholtz there), he writes:
“We still think that the architectural forms follow from one “-ism”, and the color and texture follow from the discussion of the general meeting of all representatives of different institutions, who collectively select the color for this building on the walls of the built house. In another case if the builders want to bring the scientific base to color, turn to Ostwald or the nearest optical physical study room for studying color.
It’s all the same if Picasso, Braque, having drawn the forms of the painting, would have turned to Ostwald to have them painted according to all the rules of science, or if a society of artists, engineers, bakers, representatives from all unions would gather together to discuss the coloring of the painted form of a picture.”[23]
The painter affirms Suprematism even after 1930 in his work, already marked by the tragedy of the Holodomor (Great Hunger in Ukraine). He then wrote about “the development of color and its extinction from the dependence of dynamic stresses”[24]. He then intends to write a treatise on the “Sociology of Color,” which he cannot realize until death. It can be assumed that the word “sociology” did not have for the painter the meaning that Marx and his Marxist-Leninist followers gave to it …
Multicolor stripes depicting a Suprematist landscape are painted in our painting “Female Torso No. 1” in a rough, rigid manner, which is typical of many other Malevich’s last paintings.
The whole background of “Female Torso No. 1” is also colored with a primitive brutal opaque way like the Matisse palette, for example, in the famous “Dance”, or in M.F. Larionov around 1910… One could say about the “Female Torso No. 1” what was written about the “rude” application of paint by Matisse as a “wild pulsation ascending to the archaic, to primitive stains.”[25]
The same brush stroke power is found in the image of the head, where a white rough brushstroke is full of energy flutter. We find the same texture in a white hut. White paint is of particular importance in the poetics of Malevich, based on his attitude towards the world. In his above-mentioned letter to M.O. Gershenzon, he writes:
“I also see the New Temple, I divide black, white, and other colors into three actions – in the white I see the Pure action of the World, the colors are something pointless, but the conclusion of the Solar world and its religions.”[26]
Just in the “Female Torso No. 1” we see that three colors – gray, black, red – are opposed to the white figures and the house on its right side.
In the same way, as in many post-Suprematist portraits, from the face of the “Female Torso No. 1” comes an element that gives an additional metaphysical dimension, metaphysical in the etymological sense of the term, that is, behind the physical world. The Ukrainian artist several times surrounded with a kind of “halo” the faces of the depicted characters; then it’s a fiery red radiance, then the hair of some characters seems to be moved by the breeze, then it’s a white cover in “Female Torso No. 4… What we see on the left side of the face of “Female Torso No. 1 could be considered as ” leaking “or damage to the picture, “a scratch”. It seems to me, in fact, that the matter is about the outline of the radiation emanating from this new image.
CONCLUSION
The painting “Female Torso No. 1”, which we consider in this article, is obviously the prototype of a whole group of works from 1928-1929, when the Ukrainian painter continues to research, through a sense of a objectless (pointless) world, the possibility of introducing a new image of a person in the bosom of the “Earth Bride”. It is a question of a new embodiment of Suprematism in icon contours.
“Female Torso No. 1” allows us to reorganize suprematist creativity, which is still described in a chaotic approximate order, often just on a thematic basis.
First of all, it is necessary to distinguish works created before 1930, the category of which includes “Female Torso No. 1”.
All those things that have this icon structure, either with or without a face, form a coherent unity. In this period, between 1928 and 1930, when Malevich was immersed in the Ukrainian world, his work was marked by a vision reflecting the coming world to be rather optimistic, although mysterious, in any case, as a promise of possible happiness. “Female Torso No. 1” just opens a series of this type.
Although such a picture as “The Carpenter”, shown at the Kyiv exhibition in 1930, contains camouflaged disturbing elements (the Christ Artist holds a Passion’s tool in his hands)[27].
It is obvious, however, that the famous “Peasant Woman” with a black face[28], in which a black coffin is in place of the face, cannot be attributed to the period before 1930. It marks the beginning of the tragic vision of the suffering people and society. The painting “Peasants”[29] from the State Russian Museum is also, apparently, painted after 1930. After spending time in the prison and experiencing interrogations, Malevich starts drawing faceless and mutilated people. The themes of the crucifix, coffin, and cross become insistent. The white hut becomes the menacing red emblem of the prison. Red is no longer the color of the “Beautiful” as in “Red Square. The Peasant Woman” of 1915, but the color of blood.
So, “Female Torso No. 1” makes it possible to reinterpret Malevich post-Suprematist creativity; it also allows us to understand at its source the synthesis that the Ukrainian painter wanted to realize between Suprematism, primitivism, icon, alogism, and colorful energy. This synthesis is unique and completely original among the European art of the late 1920s-early 1930s.
June-July 2018
[traduit du russe par Andriy Khraban]
[1] Казимир Малевич в Русском музее, Санкт-Петербург, Palace Editions, 2000 (под ред. Е.Н. Петровой et alii), № 42, с. 337 / Kazimir Malevich in the Russian Museum, St. Petersburg, Palace Editions, 2000 (edited by E.N. Petrova et al), No. 42, p. 337
[2] См. Валентина Маркаде, “Селянська тематика в творчості Казимира Севериновича Малевича” (“Сучасність”, лют. 1979, с. 65-76) / See Valentine Marcadé, “Te Peasant Themes in the Work of Kazimir Severinovich Malevich” ( Malewitsch, Cologne, Galerie Gmurzynska, 1978, p. 94-119° )
[3] Guillaume Apollinaire, “Les Russes” [Русские], L’intransigeant, 22 avril 1911
[4] К. Малевич, Главы из автобиографии художника [1933], в кн. “Малевич о себе. Современники о Малевиче. Письма. Документы. Воспоминания. Критик (сост. И.А. Вакар, Т.Н. Михиенко), Москва, РА, 2004, т. 1, с. 28 / K. Malevich, Chapters from the autobiography of the artist [1933] in the book. “Malevich about himself. Contemporaries about Malevich. Letters. Documents. Memoirs. Critic (compiled by I.A. Vakar, T.N. Mikhienko), Moscow, RA, 2004, v. 1, p. 28
[5] Ibidem
[6] Казимир Малевич в Русском музее, цит. произв., № 36, с. 334. / Kazimir Malevich in the Russian Museum, cit. production., No. 36, p. 334.
[7] Там же, № 38, с. 335. Начальная дата была “1910”, она была изменена на “1918”, что требовало бы комментария, не входящего в рамки нашегонастоящего эссе. / The first date was “1910”, it later was changed to “1918”, which would require a comment that is not part of our present essay.
[8] Там же / Ibidem, № 37, с. 335
[9] К.С. Малевич, Письмо к Л.М. Лисицкому от 11 февраля 1925, в кн. Малевич о себе. Современники о Малевиче. Письма. Документы. Воспоминания. Критика, цит. произв., т. 1, с. 171 / K.S. Malevich, Letter to L.M. Lissitzky February 11, 1925, in the book. Malevich about himself. Contemporaries about Malevich. Letters. Documents. Memories. Criticism, cit. production., t. 1, p. 171
[10] [10] Казимир Малевич в Русском музее, цит. произв., № 42, с. 337 и № 68, с. 352 / Kazimir Malevich in the Russian Museum, cit. production., No. 42, p. 337 and No. 68, p. 352
[11] К.С. Малевич, Письмо к М.О. Гершензону от 11 апреля 1920 года, в кн. Малевич о себе. Современники о Малевиче. Письма. Документы. Воспоминания. Критика, цит. произв., т. 1, с. 127 / K.S. Malevich, Letter to M.O. Gershenzon of April 11, 1920, in the book. Malevich about himself. Contemporaries about Malevich. Letters. Documents. Memories. Criticism, cit. production., t. 1, p. 127.
[12] Цитирую по Joop M. Joosten’у в каталоге Malevich . 1875 [sic]-1935, Los Angeles, The Armand Hammer Museum of Art, 1990, c. 19 / I quote from Joop M. Joosten in the Malevich catalog. 1875 [sic] -1935, Los Angeles, The Armand Hammer Museum of Art, 1990, p. 19.
[13] Казимир Малевич в Русском музее, цит. произв., № 70, с. 353 / Kazimir Malevich in the Russian Museum, cit. production., No. 70, p. 353
[14] Там же / Ibidem, № 85, с. 358
[15] Там же / Ibidem, № 74, с. 354
[16] Thank the Berlin sociologists Anabella Weismann and Gerd Otto, who led me to such an interpretation of “Female Torso No. 1”.
[17] Казимир Малевич, Собрание сочинений в пяти томах, Москва, “Гилея”, т. 1, 1995, с. 115 / Kazimir Malevich, Collected Works in Five Volumes, Moscow, Gilea, vol. 1, 1995, p. 115
[18] Там же / Ibidem.
[19] Там же / Ibidem, с. 116
[20] Там же / Ibidem, с. 115
[21] К.С. Малевич, Письмо к М.О. Гершензону от 11 апреля 1920 года, цит. произв., с. 127 / K.S. Malevich, Letter to M.O. Gershenzon of April 11, 1920, cit. production., p. 127
[22] К.С. Малевич, Письмо к М.О. Гершензону от 11 апреля 1920 года, цит. произв., с. 127 / K.S. Malevich, Letter to M.O. Gershenzon of April 11, 1920, cit. production., p. 127
[23] К.С. Малевич, “Архитектура, станковая живопись, скульптура” [1929], в кн. Казимир Малевич. Київський період 1928-1930 (сост. Тетьяна Филевська), Київ, Родовід, 2016, с. 127 / K.S. Malevich, “Architecture, easel painting, sculpture” [1929], in the book. Kazimir Malevich. Kiev period 1928-1930 (comp. Tetyana Filevska), Kyiv, Rodovid, 2016, p. 127
[24] К.С. Малевич, Письмо к Л.М. Антокольскому от 15 июня 1931 года, в кн., Малевич о себе. Современники о Малевиче. Письма. Документы. Воспоминания. Критика, цит. произв., т. 1, с. 227 / K.S. Malevich, Letter to L.M. Antokolsky from June 15, 1931, in the book. Malevich about himself. Contemporaries about Malevich. Letters. Documents. Memories. Criticism, cit. production., t. 1, p. 227
[25] Isabelle Monod-Fontaine, “Grandeur Obtained by the Simplest means“, в каталоге Keys to a Passion (сост. Suzanne Pagé, Béatrice Parent). Paris, Fondation Louis Vuitton, 2015, p. 162
[26] К.С. Малевич, Письмо к М.О. Гершензону от 11 апреля 1920 года, цит. произв., с. 128 / K.S. Malevich, Letter to M.O. Gershenzon of April 11, 1920, cit. production., p. 128
[27] Казимир Малевич в Русском музее, цит. произв., № 34, с. 334 / Kazimir Malevich in the Russian Museum, cit. production., No. 34, p. 334
[28] Там же / Ibidem., № 72, с. 353
[29] Там же / Ibidem., № 21, с. 326
A propos de l’auteur
Jean-Claude Marcadé, родился в селе Moscardès (Lanas), agrégé de l'Université, docteur ès lettres, directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (C.N.R.S). , председатель общества "Les Amis d'Antoine Pevsner", куратор выставок в музеях (Pougny, 1992-1993 в Париже и Берлинe ; Le Symbolisme russe, 1999-2000 в Мадриде, Барселоне, Бордо; Malévitch в Париже, 2003 ; Русский Париж.1910-1960, 2003-2004, в Петербурге, Вуппертале, Бордо ; La Russie à l'avant-garde- 1900-1935 в Брюсселе, 2005-2006 ; Malévitch в Барселоне, Билбао, 2006 ; Ланской в Москве, Петербурге, 2006; Родченко в Барселоне (2008).
Автор книг : Malévitch (1990); L'Avant-garde russe. 1907-1927 (1995, 2007); Calder (1996); Eisenstein, Dessins secrets (1998); Anna Staritsky (2000) ; Творчество Н.С. Лескова (2006); Nicolas de Staël. Peintures et dessins (2009)
Malévitch, Kiev, Rodovid, 2013 (en ukrainien); Malévitch, Écrits, t. I, Paris, Allia,2015; Malévitch, Paris, Hazan, 2016Rechercher un article
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