8 MARS!
UN BOUQUET DE POÉSIES À TOUTES MES AMIES SUR LA TERRE ET AU CIEL!
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
LOUISE LABÉ
À AKHMATOVA
O muse des pleurs, la plus belle des muses !
Complice égarée de la nuit blanche où tu nais !
Tu fais passer sur la Russie ta sombre tourmente
Et ta plainte aiguë nous perce comme un trait.
Nous nous écartons en gémissant et ce Ah!
Par mille bouches te prête serment, Anna
Akhmatova ! Ton nom qui n’est qu’un long soupir
Tombe en cet immense abîme que rien ne nomme.
A fouler la terre que tu foules, à marcher
sous le même ciel, nous portons une couronne !
Et celui que tu blesses à mort dans ta course
Se couche immortel sur son lit de mort.
Ma ville résonne, les coupoles scintillent,
Un aveugle errant passe en louant le Sauveur…
Et moi je t’offre ma ville où les cloches sonnent,
Akhmatova, et je te donne aussi mon coeur.
Moscou, 19 juin 1916
MARINA TSVÉTAÏÉVA
О, Муза плача, прекраснейшая из муз!
О ты, шальное исчадие ночи белой!
Ты черную насылаешь метель на Русь,
И вопли твои вонзаются в нас, как стрелы.
И мы шарахаемся и глухое: ох! —
Стотысячное — тебе присягает. — Анна
Ахматова! — Это имя — огромный вздох,
И в глубь он падает, которая безымянна.
Мы коронованы тем, что одну с тобой
Мы землю топчем, что небо над нами — то же!
И тот, кто ранен смертельной твоей судьбой,
Уже бессмертным на смертное сходит ложе.
В певучем граде моем купола горят,
И Спаса светлого славит слепец бродячий…
— И я дарю тебе свой колокольный град,
Ахматова! — и сердце свое в придачу.
19 июня 1916
Ruth
Und du suchst mich vor den Hecken.
Ich höre deine Schritte seufzen
Und meine Augen sind schwere dunkle Tropfen.
In meiner Seele blühen süß deine Blicke
Und füllen sich,
Wenn meine Augen in den Schlaf wandeln.
Am Brunnen meiner Heimat
Steht ein Engel,
Der singt das Lied meiner Liebe,
Der singt das Lied Ruths.
ELSE LASKER-SCHÜLER
He was weak, and I was strong —then-
So He let me lead him in—
I was weak, and He was strong then—
So I let him lead me —Home.
‘Twas’ntfar —the door was near—
‘Twas’nt dark —for He went —too—
‘Twas’nt loue, for He said nought—
That was all I cared to know.
Day knocked —and we must part-
Neither —was strongest —now—
He strove —and I strove —too—
We did’nt do it — tho’l
EMILY DICKENSON
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Il était faible, et j’étais forte —alors
Il m’a laissé l’emmener—
J’étais faible, et il était fort —alors
Je l’ai laissé m’emmener —chez moi.
Ce n’était pas loin —la porte était à côté—
Il ne faisait pas noir —puisqu’il est venu —aussi—
Il n’y avait pas de bruit —puisqu’il n’a rien dit—
C’est tout ce qui m’importait.
Le jour a frappé —et il a fallu nous quitter—
Ni l’un ni l’autre n’étions plus forts —à présent—
Il luttait —et je luttais —aussi—
Nous ne l’avions pas fait —pourtant!