Kandinsky, citoyen du monde : l’écrivain russe et allemand et ses liaisons avec l’Italie et la France (2004)
Kandinsky, citoyen du monde : l’écrivain russe et allemand et ses liaisons avec l’Italie et la France
(2004)
Lorsque, récemment, j’ai écrit un article intitulé “Kandinsky – un artiste russe en Allemagne et en France”1, j’ai bien précisé qu’il ne s’agissait pas dans mon esprit d’un problème de nationalisme étroit. D’ailleurs Kandinsky, même si les circonstances de la vie l’obligèrent à prendre la nationalité allemande en 1928 (il est donc resté citoyen russe jusqu’à l’âge de 62 ans), puis la française en 1939, manifestant ainsi une authentique citoyenneté du monde, fut généralement perçu comme un Russe ou “d’origine russe”. Et pourtant on constate dans la réception de son œuvre, jusqu’à aujourd’hui, des fluctuations quant à la dominante des traditions nationales qui s’y font voir, faussant parfois les perspectives. Il s’agit, je le répète, non d’un problème ethnique, mais, ce qui est me semble-t-il le sujet du colloque présent, d’un problème des interférences, des dialogues, des Auseinandersetzungen , des osmoses qui s’opérent entre les cultures, les histoires, les mouvements d’idées, parfois les élans politiques. Le cas de Kandinsky est particulièrement exemplaire car ce Russe, ethniquement mâtiné un peu de Sibérien et un peu d’Allemand balte, est intellectuellement, philosophiquement, esthétiquement, littérairement, au cœur de trois cultures : la russe de base, l’allemande adoptée et intégrée et, dans une moindre mesure, la française qu’il pratiquera, si l’on peut dire, comme tout homme russe cultivé de la seconde moitié du XIXème siècle et du début du XXème. Durant tout le XIXème siècle, en effet, l’élite russe parlait et écrivait, dans la majorité des cas, en français. Il suffit de citer, entre beaucoup d’autres exemples, les textes écrits en français par le grand poète Tiouttchev2, du penseur orthodoxe Khomiakov3, du penseur de l’anarchie Bakounine4, voire de Tourguéniev5. N’oublions pas que l’amie de Kandinsky, un temps compagne de Jawlensky, Marianne Werefkin (Marianna Vladimirovna Vériovkina) a tenu, au début du XXème siècle son journal intime Lettres à un inconnu en un français excellent5.
Ici, je voudrais faire un excursus du côté de Dostoïevski qui marqua, de façon indélébile, les esprits russes et européens de la fin du XIXème et du début du XXème siècles. Camus avait sans doute raison d’affirmer que le prophète du XIXème siècle n’avait pas été Marx mais Dostoïevski. D’ailleurs si Sartre ne l’a pas reconnu expressis verbis, l’essentiel de son œuvre théâtrale, son filigrane, ne sont-ils pas dostoïevskiens ? En tout cas, les idées de Dostoïevski dominent la pensée russe au tournant du XIXème et du XXème siècles, en particulier celles qui concernent le destin de la Russie en Europe, qui sont incarnées dans le personnage de Versilov dans le roman de 1875 L’Adolescent et surtout dans le discours de 1880 sur Pouchkine.
Versilov, dans L’Adolescent, est le représentant de l’intelligentsia russe, pénétrée par l’esprit de la pensée philosophique russe; il cristallise en lui les traits de la noblesse russe portant en elle “l’inquiétude d’un malaise perpétuel” (Baudelaire), celle, aussi, des intellectuels russes attirés par l’Occident, parfois par le catholicisme. Par la bouche de Versilov, Dostoïevski, si prompt par ailleurs à dénoncer l’Europe petite-bourgeoise, mercantile, qui a trahi l’héritage chrétien, montre la grandeur incomparable de l’Europe Occidentale et l’importance qu’elle a pour un Russe :
“Pour un Russe, l’Europe est aussi précieuse que la Russie […] o, plus encore. Il est impossible de plus aimer la Russie que je l’aime moi-même, mais je ne me suis jamais fait des reproches parce que Venise, Rome, Paris, étaient le trésor de leur science et de leur art, que toute leur histoire m’est plus chère que la Russie. O, ces vieilles pierres étrangères, ces miracles du vieux monde, ces éclats de miracles saints, sont chers au cœur des Russes; et même ils nous sont plus chers qu’à eux-mêmes […] Seule la Russie vit non pas pour elle-même mais pour la pensée, et […] c’est un fait notable que cela fait déjà un siècle que la Russie vit résolument non pour elle-même mais pour la seule Europe.”7
Dostoïevski a mis dans la bouche de Versilov ses idées les plus secrètes sur l’Europe. Pour lui, l’homme russe est l’homme universel (vsietchéloviek) et l’homme le plus libre parmi les Européens. Voici ce que dit Versilov :
“[Les Européens] ne sont pas libres, nous le sommes. Moi seul, promenant en Europe mon spleen russe (toska), étais alors libre…[…] Chaque Français peut servir non seulement sa chère France mais aussi l’humanité, uniquement à la condition de rester français au plus haut degré, il en est de même pour l’Anglais et pour l’Allemand. seul le Russe, même à notre époque, c’est-à-dire bien avant que ne soit fait le bilan universel, a reçu déjà la capacité de devenir russe au plus haut degré, seulement quand précisément il est au plus haut degré européen […] En France je suis français, avec les Allemands – allemand, avec les Grecs anciens – grec, et par là même je suis un vrai Russe et suis au plus haut degré utile à la Russie car j’expose sa pensée primordiale.”8
Par conséquent, “l’idée russe suprême”, ce sera, exprimé dans les termes du célèbre discours de Dostoïevski sur Pouchkine en 1880, “la conciliation universelle des idées” (vsieprimiriénié ideï), c’est-à-dire la capacité de contenir, grâce à la communion universelle (sobornost’), tout l’héritage de la culture mondiale.
On peut dire que Kandinsky se situe dans cette lignée de Russes européens qui ont conjugué en eux diverses cultures.
Il est question ici de quatre pays européens : France, Russie, Allemagne, Italie.
Kandinsky est un écrivain allemand, son recueil poétique Klänge, ses mémoires Rückblicke, son théâtre, font partie du patrimoine allemand d’avant la Première Guerre mondiale. Cela est reconnu largement.9
Mais le Russe Kandinsky est aussi, je n’ose dire “prioritairement”, en tout cas “naturellement”, “organiquement” un écrivain russe – ce qui est jusqu’ici pratiquement méconnu et que je m’efforce, depuis quelque temps déjà, de faire admettre auprès de mes collègues russes.
Pour ce qui est de la France, les rapports de Kandinsky à notre pays ont toujours existé et ont été très forts, que ce soit dans l’évolution de son impressionnisme et de son fauvisme avant 1910, ou bien dans les presque dix années, entre 1933 et sa mort en 1944, de son séjour en France. Il s’est même voulu un poète français et il s’est essayé dans ce domaine. Il a illustré Tristan Tzara et René Char, il a eu des contacts chaleureux avec André Breton.10 En tout cas, il manie avec beaucoup de talent la langue française et pouvait écrire dans une enquête de 1921 pour l’Académie de Russie des Sciences de l’Art [RAKHN – Rossiiskaya akadémiya khoudojestviennykh naouk] à Moscou :
“Je parle et j’écris l’allemand et le français”11.
L’Italie va intervenir aussi dans la vie de Kandinsky, relativement tardivement, mais ses rapports avec Marinetti et les futuristes italiens, que traduisent, iconographiquement, ses œuvres d’avant 1914 (on le sait, Kandinsky a délibérément ignoré la discipline cubiste), se concrétisent après 1930 par des voyages en Italie et des contacts directs.
De toute évidenc, France, Allemagne et Italie ont été les pays qui ont le plus marqué Kandinsky, leur culture esthétique ou philosophique a donné cette tonalité si originale à la culture esthétique et philosophique russe fondamentale de l’auteur de Über das Geistige in der Kunst/O doukhovnom v iskousstvié.
Voici ce qu’écrivait son premier grand biographe Will Grohmann :
“Sa foi inconditionnelle dans toutes choses humaines et artistiques et sa croyance à l’invulnérabilité de l’esprit, il les a apportées de Russie, et il est resté russe jusqu’à sa mort, bien qu’aussi profondément lié par le sang et par l’esprit avec l’Europe Occidentale qu’avec l’Asie […]
[Ses amis] ont senti derrière la vie et l’activité la grandeur d’un solitaire qui, attiré par l’Europe et par sa problématique, est néanmoins demeuré étranger, pour autant d’amitié et de déférence qu’on ait pu lui témoigner. Il était attaché à la religion grecque orthodoxe et à la foi dans sa patrie, il continuait de lire les classiques russes, aimait la musique russe.”12
Prenons les unes après les autres les interférences des diverses cultures européennes avec la culture russe de Kandinsky.
Tout d’abord, l’Allemagne.
La chose est assez bien connue. Kandinsky se disait “mi-allemand”, “tellement russe et pourtant non-russe” – cela s’adressait à sa compagne, son élève, la peintre allemande Gabriele Münter dont il ne se sépara que pendant la Première Guerre mondiale. Devant Gabriele Münter, selon les moments, il mettait en avant sa part de “germanité” ou sa part de “russité”. Le 14 octobre 1910 – à un moment où il est en train de rédiger la version russe de Über das Geistige in der Kunst à partir d’un manuscrit allemand écrit à Murnau avec l’aide de Gabriele Münter – c’est l‘Urtext du célèbre traité13 – il adresse à Gabriele Münter, de Moscou, les paroles suivantes :
“Aber wie russisch und doch unrussisch ich mich fühle! Wie manches mich beinahe zum Weinen stimmt und manches mein Herz stärker zu pochen zwingt. Wie ander ist das Volk. Warum ist hier das Leben intensiver und packender?”14
La grand-mère maternelle de Kandinsky était balte et lui lisait des contes en allemand. Il a reçu dans un milieu moscovite bourgeois une éducation où la langue et la culture allemandes ont été déterminantes – comme ce fut le cas pour le Balte Eisenstein.
Il semble, cependant, que dans sa prose théorique allemande il y ait des gaucheries qui montrent, comme le dit Will Grohmann, qu’il est “un Russe écrivant en allemand” :
“Dans tous les textes de Kandinsky, on trébuche souvent sur des expressions pas toujours claires et il n’est pas exempt de contradictions.”15
En revanche, l’écrivain de théâtre et le poète allemands – là les licences sont permises, la gaucherie devient une vertu – ont été et sont appréciés. Hugo Ball fut un des propagateurs du recueil Klänge [Sonorités] et des compositions pour la scène Der gelbe Klang [La sonorité jaune] (1912) et Violett [Le rideau violet] (1914). Les dadaïstes zurichois ont déclamé les poèmes en prose de Kandinsky. Le peintre, et lui-même poète, Hans/Jean Arp a écrit de belles pages sur l’art du poète allemand Kandinsky. En voici un extrait :
“A travers le mugissement et le tumulte de ces mondes, je pouvais encore, en prêtant attentivement l’oreille, entendre tintinnabuler les villes-champignons de la Russie, brillantes et bariolées. Kandinsky me racontait que son aïeul était arrivé en Russie au trot d’un petit coursier constellé de clochettes, venant d’une de ces montagnes enchantées de l’Asie, toutes en porcelaine. Il n’est pas douteux que l’aïeul avait légué à Kandinsky de profonds secrets. “Anno dada” des poésies de Kandinsky furent récitées pour la première fois au Cabaret Voltaire à Zurich, et le public les accueillit par des hurlements préadamites […].
“Résonances” [c’est ainsi que le bilingue Arp traduit “Klänge”], le recueil poétique de Kandinsky est un des livres extraordinaires et grands. […] Kandinsky s’est livré dans ces poèmes aux recherches spirituelles les plus rares. De “l’être à l’étant pur” il a fait surgir à la lumière des beautés que jamais personne n’avait encore contemplées.”16
Voici un poème en prose, tiré de ce recueil, qui est la version – mot pour mot – de l’original russe:
Pëstryj lug
Na lugu, na kotorom ne bylo travy, no byli tol‘ko cvety, cvety neobyknovenno pestrye, sidelo v nitočku pjat‘ čelovek. Šestoj stojal v storone.
Pervyj skazal:
“Kryša krepka…Krepka kryša…”
“krepka”…
Posle nekotorogo vremeni vtoroj :
“Ne trogajte menja : ja vspotel… …
“Ja poteju… Da!”
I potom tretij : “Ne čerez stenu!
“Ne čerez stenu! Net!”
A Četvertyj :
“Zrejuščij plod!!”
Posle dolgogo molčanija pjatyj zakričal rezkim golosom.
“Razbudite ego! Sdelajte ego glaza bol‘šimi! Ved‘,
“s gory katitsjq kamen‘! Kamen‘, kamen‘, kamen‘,
“kamen‘!… … …S gory!……
“On katitsja vniz!…… Sdelajte ego uši žadnymi!
“O, sdelajte ego glaza bol‘šimi! Sdelajte ego
“nogi dlinnymi! Dlinnymi, dlinnymi……nogi!!
Šestoj, stojaščij v storone, kriknul korotko i sil‘no:
“Molčanie!”
Bunte Wiese
Auf einer Wiese, auf der kein Gras war, sondern nur Blumen, die höchst bunt waren, sassen in gerader Linie fünf Männer.
Ein sechster stand seitwärts.
Der erste sagte:
“Das Dach ist fest… Ist fest das Dach…Fest…”
Nach einer Weile sagte der zweite :
“Rühr mich nicht an : Ich schwitze…Schwitzen tu ich
…Ja!
Und dann der dritte :
“Nicht über die Mauer!
Nicht über die Mauer! Nein!”
Der Vierte aber :
“Reifende Frucht!”
Nach langem Schweigen, schrie der fünfte mit greller Stimme :
“Weckt ihn! Macht ihm die Augen gross!
Es rollt ein Stein vom Berge.
Ein Stein, ein Stein, ein Stein, ein Stein vom Berge!…
Er rollt herunter !… Macht ihm die Ohren gierig!
Oh macht ihm die Beine lang! Lang, lang… die Beine!”
Der sechste, der seitwärts stand schrie auf kurz und stark:
“Schweigen!”
Il est souvent difficile de décider, dans les versions russes et allemandes des poèmes en prose de Klänge/Zvouki, quel est le texte écrit en premier. Ici, cependant, on peut, à certains indices, penser que le premier jet a été en russe : l’expression idiomatique “v nitočku” [en file droite] ne paraît pas être une traduction de “in gerader Linie” mais cette dernière expression allemande semble bien être la traduction explicative du russe. De même, le jeu de la suffixation verbale, très typique pour le russe, dans “ja vspotel…ja poteju” [Je suis en nage…je transpire] est, me semble-t-il, traduit là aussi de manière explicative, avec quelque bizarrerie du point de vue de la norme allemande : “ich schwitze…schwitzen tue ich”
A propos de Klänge, je voudrais citer un des derniers brillants commentateurs de ce recueil, Jean-Christophe Bailly :
“Il ne s’agit pas seulement de textes singuliers mais d’une avancée de la prose moderne comme de la modernité vers cette prose que les romantiques d’Iéna, les premiers, établirent en tant que l’avènement sans cesse à venir de la littérature. Discrète, cette avancée est pourtant considérable et Kandinsky a envers les mots la même attitude et, pourrait-on dire, le même étonnement qu’envers les signes picturaux.”17
Je n’ai extrait qu’une faible partie des transferts entre la Russie portée par Kandinsky et le monde allemand. On pourrait faire ici des développements, qui sont cependant assez bien connus, du travail du peintre, de l’écrivain et du théoricien au Bauhaus, où il apporte l’expérience qu’il avait acquise en Russie soviétique entre 1918 et son départ en 1922 : il crée en 1920 à Moscou l’ Institut de la Culture Artistique (Inkhouk), et l’Académie de Russie des Sciences de l’Art (Rakhn), que nous avons mentionnée plus haut, et il est un des initiateurs en 1919, toujours à Moscou, du premier “musée d’art moderne” au monde, le Musée de la Culture picturale [Muzej živopisnoj kul’tury]
Dans sa lettre envoyée de Weimar le 9 novembre 1922 à Piotr Kogan, directeur de l’Académie de Russie des Sciences de l’Art, il dit “vouloir mettre en rapport l’Académie avec le Bauhaus, où [il fait tout] pour introduire un travail scientifique expérimental, ce qui doit bientôt être possible”18 Et le 9 novembre de la même année, il déclare au même Piotr Kogan :
“Souvent, j’ai une forte envie de venir à Moscou. Mais ici, je fais œuvre utile. Je ne perds pas l’espoir d’organiser ici une Section de l’ Académie. Il y a peu de temps, j’ai parlé de cette question avec des Japonais qui se sont montrés intéressés. Nous nous déploierons avec le temps dans le monde entier. J’ai établi un contact avec l’Amérique.”19
Et plus loin il ajoute :
” Nos camarades sont si gentils que de temps à autre ils me donnent des nouvelles très détaillées des travaux de l’Académie. Les moindres nouvelles la concernant me réjouissent au plus haut point.”20
Malheureusement, la situation en Russie soviétique ne permettra pas d’établir des liens et cela s’aggravera après la mort de Lénine en 1924, quand le stalinisme réduira petit à petit toutes les tendances expérimentales et novatrices dans les arts pour finir par les supprimer. Pendant un quart de siècle, Kandinsky n’aura cessé d’être un passeur entre la Russie et l’Allemagne : il veut faire connaître en Russie les meilleurs artistes. On notera ses efforts, en particulier, pour propager en Russie l’œuvre d’Arnold Schönberg et pour faire connaître et propager en Allemagne ce qui se faisait de mieux en Russie, que ce soit les peintres symbolistes et Jugendstil du “Monde de l’art” [Mir iskousstva], ou en invitant les primitivistes futuristes de Moscou à l’exposition “Der Blaue Reiter” en 1912 : Larionov, Natalia Gontcharova, Malévitch, David et Vladimir Bourliouk; Kandinsky traduit dans l’almanach Der Blaue Reiter le brillant paradoxaliste Vassili Rozanov (Impressions d’Italie), le poète Kouzmine, l’essai de David Bourliouk “Die ‘Wilden’ Russlands”. Quand, en 1913, il est question de publier en russe son Über das Geistige in der Kunst, aux éditions moscovites “Iskousstvo”, il en profite pour essayer de réaliser une version russe d’une revue allemande qu’il projette, mais qui ne voit pas le jour, sans doute à cause de la Première Guerre mondiale.
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Si le poète et écrivain allemand a donc été et est apprécié, ce n’est malheureusement pas le cas du poète et écrivain russe Kandinsky. Faute d’éditions suffisamment significatives de ses textes russes, faute aussi d’une certaine myopie des chercheurs russes qui ont tendance à ne privilégier que le théoricien et le penseur et à négliger, partant, l’écrivain. On n’a pas admis, et l’on continue à ne pas admettre que l’auteur de O doukhovnom v iskousstvié [Du Spirituel dans l’art], de Zvouki [Sonorités], de Fioliétovaya zanavies’ [Le rideau violet] ou de Stoupiéni [Étapes] ait pu avoir une écriture tout à fait personnelle et que son travail d’écriture ait été pour lui plus qu’un violon d’Ingres. Kandinsky s’est voulu en effet, d’un bout à l’autre de sa création, mais tout particulièrement entre 1909 et 1915, un écrivain à part entière. Il n’a cessé d’écrire des textes critiques, de la poésie, des pièces de théâtre, des essais philosophiques et théoriques. Il l’a fait surtout en russe et en allemand. Il est clair que dans la langue russe il trouvait son expression organique naturelle. Sa langue russe est riche, c’est celle d’un homme de grande culture, émule d’un Rémizov , d’un Biély ou d’un Rozanov, d’un artiste qui manie de façon personnelle la métaphore, les tournures imagées, les divers registres lexicaux et stylistiques. Et cela donne quelquefois des étrangetés langagières qui ont pu heurter et peuvent encore heurter aujourd’hui, car on n’attend pas du peintre Kandinsky qu’il puisse avoir un style à lui, style qu’il aurait élaboré de façon consciente. Ainsi le directeur de la revue moderniste de Saint-Pétersbourg, Sergueï Makovski, à qui Kandinsky propose la version russe de Über das Geistige in der Kunst qu’il vient de terminer à Moscou en 1910, ne l’édite pas devant le refus de Kandinsky d’accepter une rédaction de son texte. Il écrit de Saint-Pétersbourg le 30 septembre 1910 à Gabriele Münter :
“Makowsky wollte m<eine> Broschüre bei sich drucken, aber auch hier ist meine Sprache ein Hindernis dazu. Ich will aber nichts ändern. So was finde ich dumm.”21
Les gaucheries ou les expressions qui ne correspondent pas à la norme sont dans la plupart des cas voulues par Kandinsky qui avait la volonté de faire plier la langue à ce qu’il souhaitait lui faire dire – c’est le même Kunstwollen qui préside à sa démarche picturale. Certains critiques trouvent dans sa prose poétique russe des tournures allemandes. Peut-être. Ce qui est sûr, pour moi en tout cas, c’est que son écriture littéraire russe est aussi particulière et originale que son écriture picturale.
Par toute sa complexion intellectuelle, Kandinsky fait partie du courant symboliste russe, marqué par la culture grecque ancienne, la métaphysique allemande, la spiritualité à dominante orthodoxe, qui n’exclut pas le regard porté vers les ésotérismes, le goût d’une rhétorique saturée d’images, de symboles, de métaphores, le goût aussi pour l’onirisme alogique, qui en font, toutes proportions gardées, un précurseur du dadaïsme, voire du surréalisme.
Mais, dans sa volonté de briser la routine de la langue, au risque de heurter les habitudes, il va jusqu’aux expérimentations des poètes cubofuturistes russes comme Khlebnikov ou Kroutchonykh. Kroutchonykh va chercher des exemples de poésie “zaoum”, c’est-à-dire au-delà de la raison et de l’entendement, dans la glossolalie des sectaires russes, comme ce flagellant Varlaam Chichkov dont est cité le langage extatique :
“Nosoktos lessontos foutr liss natroufountrou kressfiré kréssentré. Fert tchéréssaabtro oulmiri oumilissantrou.”22
Voici un exemple de poésie de Kandinsky où tous les mots commencent par”ou-“, et où le sens est complétement absurde :
Oumiestny oum (tsviéty bez zapakha”[ Un esprit à sa place (fleurs sans parfum)]
[transcription phonétique:]
Ouda ouiédinionnaya oupala outrom.
Outka oukhnoula ouksousnym oukoussom.
Oukha oukhoudchilas’ ougarnym ouglom.
Ouj oujinal oubitym ougriom.
Ourod oudaril ouzkim outiougom.
Ounylo oulitsa oudavila oura.
[traduction littérale:]
La ligne à pêche isolée est tombée ce matin.
Le canard poussa des “ouf” sous la morsure vinaigrée.
La soupe de poisson empira sous l’enfumement du coin.
La couleuvre soupa d’une anguille tuée.
L’affreux a frappé d’un étroit fer à repasser.
Morose, la rue a étouffé un “hourrah”.
Voici un “sonnet” inédit daté du 10 mai 1914 :
Sonet
Kukumismatičeskaæ spiral‘
Labusalutičeskaæ parabola nikak ne najdet ni golovy svoej, ni xvosta.
Lavrentij, naudandra, lumuzuxa, direkeka! Diri – Keka! Di-ri-ke-ka!
[traduction littérale :]
La spirale koukoumismatique
La parabole laboussaloutique ne trouvera pas du tout ni sa tête, ni sa queue.
Lavrenti, naoudandra, loumouzoukha, dirékéka! Diri – Kéka! Di- ri – ké – ka!23
Ces recherches onomatopéiques ne sont pas d’ailleurs le propre des futuristes en Russie. Rappelons-nous que le théoricien du Symbolisme, le poète et romancier Andreï Biély a publié en 1922 à Berlin un ouvrage appelé précisément Glossolalie.
Est-ce que Kandinsky ne pourrait pas adhérer à la formulation suivante, prise au hasard dans le texte inspiré de Biély :
“Il est en nous une conscience du son, tel un nouveau-né, elle ouvre à peine les yeux sur l’infini du monde amorphe qui se dresse.
L’amorphe me regarde et me jette une miette de mot banal. Mais je ne suis ni ignorant ni barbare. Simplement je ne suis pas Hellène, je suis né Scythe au monde des consonances, je commence seulement à m’appréhender dans ce nouveau monde qui s’offre, sphère en tourmente, aux mille yeux, sur lui centré. Cette sphère, ce monde, c’est ma bouche. Les sons la traversent. Ce sont des remous de chaleurs aériennes, de nébuleuses : nuls sons distincts.”24
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Pour ce qui est des rapports de Kandinsky à la France, ils ont été constants. Et très tôt. Kandinsky expose régulièrement aux Salons d’automne entre 1904 et 1907 et est l’objet de nombreuses critiques plutôt louangeuses (en particulier de Roger Marx). Il habite Paris ou à Sèvres en 1906 et 1907, avec Gabriele Münter. Surtout, Les Tendances Nouvelles, organe officiel illustré de l’Union Internationale des Beaux-Arts, de Lettres, des Sciences et de l’Industrie (patronné par Paul Adam, Auguste Rodin et Vincent d’Indy), publient entre 1906 et 1909 trente-trois bois gravés de Kandinsky. D’autre part, cent neuf œuvres de l’artiste russe font sensation à l’exposition “Le Musée du Peuple”, organisée à Angers en 1907 par le rédacteur des Tendances Nouvelles, Alexis Mérodack-Jeaneau (est montré le célèbre tableau La vie mélangée [intitulé ici La confusion des races])25.
Il est bien connu également que Kandinsky mettra en avant la peinture française – Cézanne, Matisse, Delaunay. Avec Robert Delaunay, il est même en rapport étroit avant 1914 et on trouve des échos d'”orphisme” dans plusieurs œuvres.26
Comme je l’ai brièvement mentionné au début, Kandinsky après 1933 rencontre les artistes parisiens, mais aussi les poètes, en particulier Breton. Il est marqué par l’iconographie surréaliste de Miro, lui dont la poétique picturale et littéraire alogique des années 1910 avait annoncé une nouvelle révolution mentale et esthétique.27 Breton aurait pu voir dans le “principe de la Nécessité Intérieure” (printsip Vnoutreinneï Niéobkhodimosti / das Prinzip der Inneren Notwendigkeit), proclamé par Kandinsky dès 190928 une idée qui annonçait sa propre “dictée de la pensée”. Mais le pape du Surréalisme aurait dû fermer les yeux, lui l’athée militant, devant la visée spirituelle de Kandinsky pour qui l’artiste “doit se détourner du corporel pour servir le spirituel“29. D’ailleurs Breton, s’il avait connu les idées métaphysiques des tenants de l’avant-garde russe – Kandinsky et Malévitch étant les personnalités les plus saillantes – se serait étranglé d’indignation, lui qui, à propos de la célèbre phrase de Braque “la règle corrige l’émotion” – pouvait s’écrier :
“Il doit encore y avoir une quelconque idée de Dieu là-dessous”30,
lui qui s’est fâché avec Lacan et l’a voué aux gémonies pour avoir osé se marier à l’église!…Mais les interférences, n’est-il pas vrai? – se font souvent sur des malentendus.
Je voudrais conclure ce trop rapide survol de “Kandinsky et la France” en rappelant que Kandinsky a écrit quelques poèmes en prose en français. En voici deux exemples :
LE FOND
Une longue ficelle ne faisait que des nœuds.
Tant mieux.
La question funeste dans ce cas est restée juqu’à la toute dernière minute sans réponse :
Où est le premier nœud ?
Il me vient une idée audacieuse :
Le premier nœud n’est nulle part.
Autrement : je suppose
La longue ficelle a commencé du commencement par le deuxième nœud.
Ce serait simple :
Alors le deuxième nœud serait le premier.
Le quatrième serait le troisième.
Le cinquième le quatrième.
Soyez assez aimable pour me croire.
Mais voici une difficulté :
Où se trouve le deuxième nœud ?
Alors il serait bien possible que ce fût le troisième nœud qui soit le premier.
Alors le quatrième serait le deuxième.
Le cinquième serait le troisième.
Et le sixième le quatrième.
L’heureuse solution !
Un obstacle :
Uù se trouve le troisième nœud?
Et alors :
Le tout dernier nœud de cette toute dernière minute – quel est son numéro ?
C’est ainsi que la philosophie et les hautes mathématiques se rencontrent dramatiquement.
La tête est silencieuse.
Le cœur se tait.
Mais voilà quelqu’un derrière la porte…
Entrez !31
Paris, en juillet 1938
Voici un second exemple de poème en prose kandinskyen en français, daté de “Paris Mars 1939”35 :
LE SOURD QUI ENTEND
Comment dois-je raconter cette histoire ?
Elle est bien simple – C’est pourquoi elle est compliquée.
La simplicité – Voilà la difficulté.
Les choses les plus simples sont toujours les plus compliquées.
Et inversement.
Si je vous dis : au bord d’une grande route se trouve une petite pierre.
Et que pensez-vous : est-ce simple ou compliqué ?
Et que pensez-vous, qu’est-ce qui augmente – la simplicité ou la complication.
Si je vous dis : une petite pierre se trouve au bord d’une grandroute ?
J’ai mon opinion à moi.
Le plus simple et le plus compliqué serait de dire :
ROUTE-PIERRE. (Et après quelques secondes) GRANDE-PETITE.
C’est de l’impressionnisme spirituel.
Répétez encore une fois (une fois suffit)
ROUTE-PIERRE (sept secondes) GRANDE-PETITE.
La simplicité embrasse la complication.
Et inversement.
Il faudrait seulement avoir de l’oreille.
Arrêtez-vous un instant sur la grand-route, et regardez un instant la petite pierre.
Regardez avec l’oreille.
Le sourd le comprend mieux encore.
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Il est évident que, pour un peintre, l’Italie ne peut être qu’une patrie spirituelle. Kandinsky a séjourné à plusieurs reprises dans ce pays. En décembre 1905, il écrit au peintre Fiodor Roehrberg que sa prochaine adresse est “Milano Poste restante”36.
C’est surtout après 1930 que l’Italie deviendra un lieu privilégié pour les visites et les vacances. Mais un fait remarquable des interférences russo-germano-italiennes chez Kandinsky, c’est le fait que Über das Geistige in der Kunst est traduit en italien dès 1922 par Di Cesaro, mais ne paraîtra à Rome qu’en 1940.
D’autre part, “les relations amicales entre Marinetti et Kandinsky s’expliquent par la fidélité de Kandinsky à un mouvement antérieur à 1914 [le futurisme], très proche de l’avant-garde russe. De plus, le futurisme est le seul mouvement capable de concurrencer à Paris le tout-puissant cubisme. Il y a également les connivences idéologiques entre les futuristes et Kandinsky, ainsi qu’une indiscutable offensive de séduction de la part de l’artiste pour obtenir de Rome ou de Venise une grande rétrospective.
La technique de sable mêlé à la peinture, adoptée par Kandinsky à son arrivée [à Paris] est conforme au discours de l’art mural que tiennent Fillia et Enrico Prampolini.”37
Il est évident que ce qui attirait Kandinsky dans l’Italie fasciste, ce n’est aucunement la politique37bis, mais le fait qu’il y avait là un ensemble magnifique d’abstraction dont les tenants voyaient en lui un des pionniers de cette nouvelle forme d’art au XXème siècle37ter. “Le peintre italien Prampolini l’appelle le Giotto de notre temps et il entend ainsi : le renouvellement de la peinture par Kandinsky”38
Une interview de Kandinsky paraît dans Il Lavoro fascista du 28 juillet 1934, où il n’est question que d’art :
“Le fait mystérieux de l’art abstrait […] l’apparente au mystique. […] Je suis certain que le sentiment mystique trouvera son expression à l’avenir dans une forme abstraite.
-Je doute cependant que ce soit l’avis de Sa Sainteté Pie X, partisan du concret, y compris en art [dit l’interviewer]
Le peintre sourit légèrement, mais il s’empresse de déclarer :
– Personnellement, je ne pratique pas ce que l’on appelle l’art sacré. Et je n’aspire pas non plus à la représentation de la nature […] L’art, selon moi, n’est que le développement d’idées déterminées, de même que dans la nature les êtres sont le développement définitif de germes déterminés.”39
Répondant au livre du défenseur de l’abstraction dans l’Italie du début des années 1930, Carlo Belli, Kn, paru à Milan en 1935, dans lequel l’auteur proposait une “interpretazione dell’arte astratta […] nel senso neo-platonico cristiano di una belleza ideale”40 et rattachait , en particulier, l’abstraction de Kandinsky au symbolisme, l’auteur de Du Spirituel dans l’art s’inscrit en faux contre cette étiquette de symboliste :
“On a affirmé assez souvent que je m’occupe dans ma peinture ‘des états de mon âme’ et que je fais des ‘portraits’ de cet état.
C’est vraiment une grave erreur ! Je n’ai jamais eu l’intention de faire de pareils portraits et non plus de faire de la peinture ‘symboliste’. Si je dis que ‘l’angulo acuto manifesta calore, quello retto fredezza’ etc., j’opère avec les formes et les couleurs sans jamais penser à vouloir faire des récits – soit des récits symboliques.
Chaque forme a une forme spéciale et un ‘contenu’ spécial, parce que elle est un être vivant, comme toutes les formes de l’univers. Mais ça serait tout – à – fait faux de penser à ce contenu quand on travaille ou quand on regarde une toile.
Je mange les bananes parce que je les aime manger, mais non parce que elles possèdent une quantité exactes de vitamines.
Je prends la couleur jaune et je lui donne une forme non parce qu’elle est un ‘colore terrestre di forza espansiva’, mais parce que j’aime en ce moment de la mettre sur la toile et lui donner une forme.
J’ai dit depuis très longtemps que mon rêve unique est de faire de la epinture [sic] qui est un être vivant…e basta!”41
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Sur l’exemple de Kandinsky, écrivain russe et allemand, on peut voir une osmose s’opérer, des modes de pensée, des cultures s’interpénétrer et s’enrichir. A cette configuration russo-allemande de base vient s’ajouter l’apport français qui est fait à la fois d’interférences culturelles et d’une volonté d’intégrer la strate linguistique française à son mode d’expression verbal. Dans le cas de l’Italie, il s’agit simplement d’aller à la rencontre des sources byzantines, des sources renaissantes et des sources de l’abstraction.
Je me suis attaché à l’écrivain Kandinsky. Il faudrait faire un autre exposé, du point de vue des transferts quadrangulaires picturaux, l’imprégnation du Jugendstil, l’impressionnisme et le fauvisme français, l’exemple du pandynamisme futuriste italien, l’accueil du biomorphisme et du surréalisme dans le milieu des années 1930.
C’est aussi dans la métamorphose de ces diverses strates esthétiques en une œuvre idiolectique que Kandinsky apparaît comme une figure paradigmatique des transferts culturels européens.
1 Catalogue Kandinsky et la Russie, Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2000, p. 11-18; version anglaise abrégée : “Vasilii Kandinsky, a Russian Artist in Germany and France”, dans : Experiment (Los Angeles, Charles Schlacks, Jr.), 2002, vol. 8, p. 23-31
2 Voir, par exemple, “La Papauté et la Question romaine”, Revue des Deux Mondes, t. V, 1erjanvier 1850; sur les écrits politiques de Tiouttchev en français, voir : Litératournoié nasledsto.Tom dévianosto sed”moï : Fiodor Ivanovitch Tiouttchev [L’Héritage littéraire, tome 97 : Fiodor Ivanovitch Tiouttchev], Moscou, Naouka, 1988, livre I, p. 183-255 (beaucoup de documents, en particulier les lettres, sont données dans l’original français)
3 “Le plus russe et le plus remarquable des théologiens ne pouvait pas imprimer ses ouvrages en Russie, dans sa langue maternelle ; la censure ecclésiastique ne permettait pas de les imprimer. Et les ouvrages de théologie de Khomiakov ont paru à l’étranger en langue française. […] Les œuvres théologiques de Khomiakov furent traduites ensuite en langue russe” (Nicolas Berdiaev, Khomiakov, Lausanne, L’Age d’Homme, 1988, p. 61-62) . Voir aussi : A. Gratieux, “La défense de l’Église. Les brochures polémiques en français”, in A.S. Khomiakov et le mouvement slavophile, Paris, Cerf, 1939, t. II, p. 125 sq.
4 Cf. Les œuvres de Michel Bakounine, 6 volumes, Paris, Stock, 1895, 1903, 1908, 1910, 1911, 1913
5 De très nombreuses lettres de Tourguéniev sont en français, voir les treize volumes de lettres dans ses Œuvres complètes en vingt-quatre volumes, Moscou-Léningrad, 1961-1968 (les lettres en français sont données dans l’original)
6 Voir : Marianne Werefkin, Lettres à un inconnu , Paris, Klincksieck, 1999 (édition et présentation de Gabrielle Dufour-Kowalska)
7 F.M. Dostoïevski, Œuvres complètes (en russe), Paris, Bibliotéka “Illioustrirovannoï Rossii”, 1933, t. XV, p. 137-138
8 Ibidem, p. 137
9 Sur la fortune du poète allemand Kandinsky, je me permets de renvoyer à mon article “L’écriture de Kandinsky”, dans le catalogue Kandinsky, Paris, RMN, 1997, p. 152 sqq. (version italienne : “La scrittura di Kandinsky”, in : Kandinsky, Milan, Mazzota, 1997, p. 31 sqq. Parmi les éditions récentes de Klänge, voir celle, bilingue, préfacée par Jean-Christophe Bailly : Kandinsky, Klänge (poèmes traduits de l’allemand par Inge Hanneforth et Jean-Christophe Bailly), Paris, Christian Bourgois, 1987. Les pièces de théâtre (les “compositions pour la scène”) de Kandinsky et ses écrits sur le théâtre (en russe et en allemand, avec traduction française) ont été publiés par Jessica Boissel : Kandinsky, Du théâtre,Über das Theater, O teatre, Paris, Adam Biro- Cologne, DuMont Schauberg, 1998
10 Voir : Georgia Illetschko, Kandinsky und Paris. Die Geschichte einer Beziehung, Munich-New York, Prestel, 1997
11 RGALI [Archives nationales de Russie, Moscou], fonds 941, inventaire 10, unité de conservation, 267, p. 5
12 Will Grohmann, Vassily Kandinsky. Sa vie, son œuvre, Paris, Flammarion, 1959, p. 9
13 Le dossier de cette première version allemande comportant une copie de copiste en gothique, des pages manuscrites de Gabriele Münter et de Kandinsky, des pages dactylographiées – le tout formant le texte in extenso -, se trouve dans les archives du Lenbachhaus à Munich.
14 “Oh, comme je me sens à la fois russe et pourtant non-russe! Combien de choses me mettent en état presque de pleurer et combien de choses forcent mon cœur à battre plus fort. Comme le peuple est autre ici. Comment se fait-il que la vie soit aussi plus intense et plus prenante ?” (Archives du Lenbachhaus)
15 Will Grohmann, Vassily Kandinsky. Sa vie, son œuvre, op.cit., p. 92
16 Jean Arp, “Kandinsky le poète”, in : Wassily Kandinsky (éd. Max Bill), Paris, 1951, p. 90
17 Kandinsky, Klänge, op.cit., p. 8
18 RGALI [Archives nationales de Russie, Moscou], fonds 237
19 RGALI [Archives nationales de Russie, Moscou], fonds 237, inventaire 1, unité de conservation 56, feuille 2 verso
20 Ibidem, feuille 3 verso
21 Archives du Lenbachhaus, Munich
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Kroutchonykh, in : Vzorval’ [Explosant] (1913), cité ici d’après Die Manifeste und Programmschriften der russischen Futuristen (Hrsg. Vadimir Markov), Munich, Wilhelm Fink, 1967, p. 61; dans sa Déclaration du mot comme tel [Déklaratsiya slova kak takovogo] (1913), Kroutchonykh donne encore un exemple glossolalique du flagellant Chichkov :