La furia pianistica de Nikolaï Louganski (Lugansky)
Hier, au Théâtre des Champs Élysées, il y a eu un concert mémorable du pianiste russe Nikolaï Louganski (Lugansky) avec un programme Chopin, mais surtout la découverte d’un ensemble peu connu, les Saisons de Tchaïkovski, 12 pièces pour piano qui mêlent l’élégie, la chanson et la danse populaires et la fureur de la passion. C’est précisément cette fureur qui m’a interpellé dans le jeu de Nikolaï Louganski qui s’empare du piano de tout son corps, égrenant, avec ses doigts de fer et souples, la violence inouïe des entrechoquements des notes. Il y avait quelque chose de la virtuosité d’Arthur Rubinstein, mais ce n’était pas cela. Quand j’ai lu qu’il avait travaillé avec Tatiana Nikolaïéva, j’ai compris que c’était de là que lui venait cette fougue presque “à la hussarde”. Je me souviens d’un concert mémorable de Tatiana Nikolaïéva au Festival de la Musique de Montpellier, je crois à la fin des années 1980. Cette grande dame du piano, qui ressemblait à une baba russe type (genre la femme de Khrouchtchev), empoignait le piano avec une rare énergie et rudesse, sans la moindre afféterie, semblant vouloir faire sortir de son instrument le maximum de MUSIQUE. Un critique musical l’avait nommée “la kolkhozienne du piano”, ce qui était d’un humour relatif, mais qui traduisait bien cette impression de force élémentaire. Cela ne l’empêchait pas, quand le texte l’exigeait, d’avoir un toucher d’une grande délicatesse. Comme Nikolaï Louganski.
Puisque je me remémore le Festival de Musique de Montpellier, que nous avons suivi, Valentine et moi, toutes les premières années de sa création, je ne peux pas ne pas mentionner le souvenir émouvant d’avoir vu Place de la Comédie se promener à l’occasion d’un de leurs concerts le grand pianiste Sviatoslav Richter ou encore le jeune alors altiste Iouri Bachmet, toujours très actif en Russie aujourd’hui…