Les clefs d’une passion (Malévitch)
Le Carré, le Cercle, la Croix, le Noir et le Blanc – ou le
surgissement suprématiste de l’espace du monde
par Jean-Claude Marcadé
Les toiles Carré noir, Cercle noir, Croix noire sont les formes de base du suprématisme. Malévitch les a peintes en vue de la « XIV Esposizione Internationale d’Arte de la città di Venezia » en 1924. Elles furent envoyées au Pavillon de l’URSS et figurent dans le catalogue sous les numéros 111-Suprématismo : forma quadrata ; 112 – Suprematismo : forma di croce ; 113 – Suprematismo : forma rotonda[1]. Malévitch avait également envoyé cinq dessins du « suprématisme dans l’architecture », tout particulièrement les projets de bâtiments dans l’espace interplanétaire (les « planites »)[2].
Ces trois œuvres fondamentales du suprématisme ont été exécutées pour l’exposition vénitienne car les trois toiles archétypiques, présentées en 1915 à la « Dernière exposition futuriste de tableaux O, 10 » à Pétrograd, n’étaient plus disponibles : le Quadrangle noir était entré dans les collections du premier musée d’art moderne au monde, le Musée de la Culture Picturale, créé à Moscou en 1918 ; le Cercle noir et la Croix noire appartenaient au peintre, musicien, compositeur, théoricien des arts plastiques et de la musique, Mikhaïl Matiouchine.
La pratique dans la peinture d’icônes, consistant à créer des représentations apographiques[3] à partir des archétypes se vérifie avec le Carré noir, le Cercle noir, la Croix noire de 1923.
« L’icône de mon temps »[4]
Malévitch avait de façon explicite manifesté le caractère iconique, en tout premier lieu du carré noir, lorsque, lors de l’exposition « 0, 10 », il avait accroché cet archétype, alors appelé Quadrangle, en haut de l’encoignure des deux cimaises du « suprématisme de la peinture », comme l’icône centrale du Beau Coin Rouge (Krasny ougol) dans la pièce principale des croyants orthodoxes russiens. Cette œuvre, entrée à la Galerie Trétiakov en 1929, a perdu ses qualités picturales originelles.[5] Non seulement, elle fit partie des réserves interdites du musée moscovite, mais, même après la chute de l’URSS, les restaurateurs s’opposaient formellement à tout transport en dehors de la Galerie. Une exception a été faite (sans doute ne se renouvellera-t-elle jamais plus) pour la première exposition consacrée entièrement au suprématisme au Salomon R. Guggenheim Museum de New York en 2003[6].
Il est significatif que ce premier carré noir ait été tout au long du XXème siècle une référence conceptuelle quasi mythologique. L’appellation courante « Carré noir sur fond blanc » n’est pas un titre donné par Malévitch, mais une description qu’il en a faite selon la traduction de la traduction allemande de son livre aux Cahiers du Bauhaus en 1927 : « Le carré = la sensation, le champ blanc = le Rien hors de cette sensation »[7]. Or, à la suite de cette formulation, Malévitch explicite sa pensée dans des passages non traduits en allemand: « Le carré dans son encadrement blanc était déjà la première forme de la sensation sans-objet. Les bords blancs, ce ne sont pas des bords qui encadrent le carré noir, mais ils sont seulement la sensation du désert, la sensation du non-être, dans lequel l’aspect de la forme carrée apparaît comme le premier élément sans-objet de la sensation. » On le voit le blanc est à la fois encadrement et espace de la sensation du non-être. Dans son compte-rendu de l’exposition « O,10 », Alexandre Benois voit bien « un carré noir dans un cadre blanc »[8]. Et nous avons noté plus haut que Malévitch lui rétorque : « Je n’ai qu’une seule icône toute nue et sans cadre » ; là encore on décèle le côté iconique du « Carré noir », car l’icône ecclésiale n’a pas de cadre, celui-ci étant peint autour de l’image, à l’intérieur de la planche[9]. Bien entendu, lorsque Malévitch parle d’ « icône », il veut dire, non pas qu’il s’agit d’une œuvre « orthodoxe », mais que le tableau suprématiste fait apparaître l’au-delà du monde sensible, comme l’icône orthodoxe, mais avec les moyens et la visée de la peinture. Cet au-delà du monde sensible, son prototype, c’est le « monde sans-objet ou le repos éternel »[10].
« Je me suis transfiguré dans le zéro des formes»[11]
Il s’agissait avec le Carré noir, la Croix noire, le Cercle noir et les toiles des cimaises de l’exposition « O, 10 » d’une réduction de la représentation du monde des objets au « zéro des formes », mais ce « zéro des formes » est une étape pour aller au-delà : « Je me suis transfiguré dans le zéro des formes et suis allé au-delà du zéro vers la création, c’est-à-dire le Suprématisme, vers le nouveau réalisme pictural, vers la création sans-objet. »[12] Pour Malévitch, la mise à zéro « des laideurs naïves et des copies de la nature » est donc « le premier pas de la création en art »[13]. Tous les novateurs russes des années 1910 opposent l’art figuratif, qui « répète », « copie » le monde des objets, à l’art non figuratif, abstrait ou sans-objet, qui crée une nouvelle vision du monde sensible ou bien un nouvel espace sans objets, sans autre objet que lui-même.
« La vie contemporaine est à présent quadrangulaire»[14]
Aucun carré de Malévitch n’est un carré exactement géométrique. Pour l’édition allemande de 1927 (Die gegenstandslose Welt), le peintre a exécuté un Carré noir, dessin au crayon sur lequel il a inscrit en russe la mention : « Premier élément suprématiste d’aspect quadrangulaire, dont l’équiangularité n’est pas strictement géométrique. Il est né en 1913. Il s’agit de l’élément de base, de l’évolution duquel sont issus deux éléments de base, voir le cercle et l’élément cruciforme. »[15]
Malévitch affirme avant tout la quadrangularité comme telle, l’opposant à la triangularité qui, au cours des siècles, avait toujours représenté le divin. À l’évidence, le problème du suprématisme n’est pas un problème de géométrie (comme cela a pu être le cas avec le cézannisme protocubiste), c’est le problème du pictural en tant que tel et le pictural, c’est pour le suprématisme la surface plane colorée, la planéité absolue ; la dimension de cette planéité est la cinquième dimension ou économie.
L’image de l’homme et l’image du monde, qui s’ étaient interpénétrées à partir du « réalisme transmental », se sont définitivement dissoutes dans le noir du « Carré ». Visage sans visage absolu. Face impénétrable. En 1920, il écrit qu’ « occupé à pénétrer le mystère de l’espace noir du carré », cet espace noir « est devenu la forme de la nouvelle face du monde suprématiste, de son habit et de son esprit » : « Je vois en lui ce que naguère les hommes voyaient dans le visage de Dieu, et toute la nature a imprégné son image dans son apparence, pareillement à celle de l’homme ; et si quelqu’un, venu de l’antiquité chenue, avait pénétré le visage mystérieux du carré noir, peut-être aurait-il aperçu ce que je vois en lui. »[16]
« Le suprématisme naît en 1913 »
Dans un texte, écrit en Allemagne en 1927, pour expliciter les « différentes phases du développement du suprématisme », le peintre insiste une nouvelle fois sur les origines de son mouvement : « On doit considérer l’année 1913 comme la naissance du suprématisme. La première forme suprématiste a été la forme de la cellule quadrangulaire que l’on a appelée dans la communauté humaine ‘carré’.» Et de dessiner un carré contenant un quadrangle noir entouré de blanc[17]. Beaucoup d’encre a été dépensée pour dire que la première apparition publique du « Carré noir » et sa réalisation comme tableau datait de 1915. C’est un fait. Mais c’est aussi un fait que le « Carré noir » est bien présent en 1913 dans les costumes et les décors exécutés par Malévitch pour l’opéra de Matiouchine La Victoire sur le Soleil (prologue de Khlebnikov et livret de Kroutchonykh), en particulier de façon particulièrement patente dans le costume du Fossoyeur dont le corps est fait d’un carré noir, cette forme se répétant comme un brassard sur les deux bras du personnage. De plus La Victoire sur le Soleil manifeste conceptuellement ce que sera la place du noir dans le système coloriste malévitchien. Dans le livret, la lumière du soleil est considérée comme éclairant des fantômes du réel. D’où un des sens du « Carré noir » : il est la face noire du monde qui a englouti dans les ténèbres du Rien la fausse lumière que donne le soleil. La vraie lumière n’est donc pas celle du soleil mais celle qui émane du tréfonds du sans-objet.
Si, formellement, le Carré noir s’attaquait « au principe qui fonde la peinture », en s’en tenant « aux composantes ultimes qui désignent la spatialisation »[18], conceptuellement, il révélait une nouvelle face, non naturaliste, elle faisait du pictural son lieu de réalisation.
« Les énergies du noir et du blanc »
On ne pouvait davantage s’opposer aux recherches parisiennes contemporaines sur la lumière. Les travaux de Chevreul n’ont aucun écho dans les débats esthétiques sur la couleur en Russie. La couleur est pour Malévitch une énergie qui sourd du matériau. Il écrit en 1920 : « La chose principale dans le suprématisme, ce sont les deux bases – les énergies du noir et du blanc. Noir et blanc qui servent au dévoilement de la forme de l’action ; j’ai en vue seulement la nécessité purement utilitaire économique ; c’est pourquoi tout ce qui est coloré est éliminé. »[19] Si Malévitch refuse la peinture rétinienne, il ne le fait pas comme son contemporain Duchamp qui vise à remplacer la peinture par des productions issue d’une décision de type conceptuel. En tant que Russo-Ukrainien, Malévitch est l’héritier de la peinture d’icônes. « Le carré est un enfant[20] royal. C’est le premier pas de la création pure en art. »[21] Ayant donné au tableau de chevalet le statut d’icône, il en fait apparaître l’aspect « manifestation, énergie, lumière d’essence spirituelle »[22] de celle-ci. De même, Nikolaï Taraboukine note que dans les chefs-d’œuvre de la peinture d’icônes, « le coloris souligne le détachement qui s’opère dans la conception iconique, en l’éloignant et non en le rapprochant de la nature. »[23] Toute la poétique coloriste malévitchienne s’élabore à partir de la sensation : « Il faut parler de la correspondance de la couleur à la sensation plutôt qu’à la forme »[24]. On peut ainsi interpréter le noir du carré, du cercle et de la croix comme celui des ténèbres inexpugnables de la mystique apophatique.
Le Cercle noir
Le deuxième élément de base du suprématisme, c’est le Cercle noir, obtenu par la rotation du carré. Curieusement, le premier Cercle noir de 1915 n’apparaît pas sur la célèbre photographie des cimaises du « Suprématisme de la peinture » à l’exposition « O, 10 » et ne figure pas explicitement dans le catalogue. De la même façon, ce Cercle noir de 1915 ne se retrouve sur aucune des photographies des expositions organisées du vivant de Malévitch.[25] D’après le dessin exécuté par Malévitch pour son livre du Bauhaus en 1927, il s’agit du « deuxième élément du suprématisme », « élément de base du suprématisme 1913 » [26]. Dans le manuscrit, écrit à Berlin en 1927 pour le cinéaste dadaïste Hans Richter, Le Film scientifique d’art – la peinture et les problèmes architecturaux »[27], Malévitch indique que « le mouvement du carré donne le cercle dans diverses colorations » ; pour ce qui est du cercle noir, « il devient décentré ». Le Carré noir renvoie à la métaphore-métonymie de l’éclipse de soleil qui se déploie dans les oeuvres alogistes de 1914, qui précédent la création de la trinité Carré-Cercle-Croix[28]. Le Cercle noir, dans tous les dessins qui existent avec la même forme, est en état de lévitation, il vient de traverser l’espace blanc de la toile pour aller dans l’au-delà infini. On peut dire que le Cercle noir est le point de départ de toutes les œuvres complexes polychromes du suprématisme. En effet, les formes géométrisées se trouvent sur la toile blanche en état de suspension, à la fois statique et dynamique : elles sont situées par le peintre à un point de leur mouvement entre leur arrivée à ce point et le moment où commencera la poursuite de cette traversée. Une telle position décentrée apparaît dans le Carré blanc de 1918 (MoMA) qui est, pourrait-on dire, l’emblème de la série des « Blancs sur blanc ». Alors que le carré noir et la croix noire occupent une place centrale sur la toile, le Cercle noir, dans son mouvement ascensionnel vers le haut annonce le même mouvement dans le Carré blanc.
La Croix noire
La Croix noire est, selon Malévitch sur le dessin de 1927, « le troisième élément de base, cruciforme, du suprématisme »[29] et elle est, après le Cercle noir, la seconde forme suprématiste issue du Carré. Elle était présente à l’exposition fondatrice « O, 10 » et cette forme archétypique se trouve aujourd’hui au MNAM. D’un point de vue formel, la Croix noire est construite à partir du croisement en leur milieu de deux plans en extension rectangulaire. Comme dans le Carré noir, on remarquera qu’ici non plus il ne s’agit pas de géométrie exacte. Il y a une légère courbure des axes qui dynamise la stabilité de cette architecture cruciforme sur l’espace blanc de la toile. Comme dans le Carré et dans le Cercle, il y a dans la Croix un équilibre tensionnel entre statique et dynamique. Rien ne paraît bouger et en même temps tout est prêt à s’élancer ou à s’abîmer. Comme chez Zénon d’Élée pour qui la flèche lancée ne bouge pas.
La Croix noire est à la fois corps du monde et visage, visage du monde. C’est une forme primaire universelle, mais on ne peut s’empêcher d’y voir également une référence à la place qu’a la croix dans la culture chrétienne. Dans le manuscrit de 1927 consacré aux « différentes phases du développement du suprématisme », le peintre montre par une série de croquis « le développement de l’élément cruciforme des sensations cosmiques, mystiques »[30] . Irénée de Lyon, dès la fin du IIème siècle, dans sa Démonstration de la prédication apostolique affirme les dimensions cosmiques de la croix, car le Verbe du Père soutient la Création « dans sa longueur et sa largeur et dans sa hauteur et sa profondeur (cf. Éphésiens 3, 18). En effet, c’est le Verbe du Père qui domine sur l’Univers. C’est à cause de cela que le Fils de Dieu a été cloué sur le bois de la croix selon ces quatre dimensions. En effet, il se trouvait déjà comme imprimé en forme de croix dans l’Univers » (§ 34).
L’ordre de présentation des trois formes de base du suprématisme
Les trois formes fondamentales du suprématisme ont pu être présentées par le peintre lui-même de deux façons différentes.
Le Carré noir, le Cercle noir, la Croix noire ont été pour la première fois mis côte à côte dans cet ordre dans le petit livre lithographié à Vitebsk en 1920 Le Suprématisme, 34 dessins. On les retrouve dans la magnifique installation qu’a proposée le peintre à l’Institut National de la Culture artistique (Ghinkhouk) de Léningrad en 1926. Les trois toiles encadrent un grand dessin du « suprématisme dans l’architecture », représentant un planite, c’est-à-dire une maison du futur dans le cosmos. Ce dessin est désigné comme Planite d’un pilote[31]. Ce dessin est placé sur un plan incliné du haut vers le bas comme se déplaçant dans un espace interplanétaire, les planètes étant ici, en bas à droite, le Carré noir, en haut au milieu, le Cercle noir et, en bas à gauche, la Croix noire.
Mais Malévitch avait assigné un ordre de procession différent de celui qu’il avait proposé auparavant, et cela en 1923-1924 en vue de l’accrochage de ses trois tableaux de base à Venise. C’est ainsi que sur un dessin, l’artiste a indiqué que les trois toiles devaient être exposées à la verticale dans l’ordre suivant : le Carré noir, la Croix noire, le Cercle noir. Ainsi, Malévitch lui-même a indiqué un nouveau vecteur de déploiement des trois éléments de base du suprématisme. Dès 1920, en liaison avec l’évolution du suprématisme plan vers le suprématisme architectonique, « la droite suprématiste » est mise en avant. C’est ainsi qu’en 1927, à Berlin, dans son projet de film pour Hans Richter, cette « droite volumique »[32] « se ramasse en carré », formant « deux colonies » : une « colonie crucifère », laquelle, dans sa rotation, forme un cercle.[33] C’est toujours le Carré noir qui est à la base du développement, à travers l’étape des « objets volumo-constructions suprématiste »[34] vers ce que le peintre appelle l’ architectonie. À partir de l’extension du carré, en un plan horizontal et un plan vertical mis en croisement perpendiculaire, naît la Croix noire, laquelle engendre, par rotation, le Cercle noir. Le Cercle noir devient alors l’aboutissement du mouvement de l’Univers, de « la pensée cosmique », des soleils, du ciel étoilé, des comètes, tous ces « objets » qui « s’élancent sur la voie infinie du sans-objet »[35]. Cet aspect est très bien montré dans un relief, réalisé par le collectif malévitchien de Vitebsk en 1921[36], où l’on voit la courbe de l’Univers qui entoure un cercle noir, ténèbres du Rien, du sans-objet, du non-être, sur lequel planent des « architectones », tandis que dans l’espace blanc sont éparpillées de petites « planètes » suprématistes. Cet Univers des « imaginaires géométriques » malévitchiens, est à son tour encadré par quatre formes noires qui se lisent, en suivant le mouvement des aiguilles d’une montre, comme un triangle noir, qui est pour les suprématistes le coin du bûcheron, un angle saillant qui indique la voie vers le carré noir, suivi de la croix noire et aboutissant au cercle noir.
[1] Cf. Troels Andersen, Malevich. Catalogue raisonné of the Berlin exhibition 1927, Stedelijk Museum Amsterdam, 1970, p. 163
[2] Cf. Troels Andersen, Ibidem : les dessins sont numérotés dans le catalogue de 346 à 351 et portent les appellations : Supremo-planit, Chino-planit, Suprematismo in architectura, Futuro-planit, Planit di aviatore, Planit di un sanatorio. Sur le passage des formes de base du suprématisme plan (Carré, Croix, Cercle), lors de l’exposition de Venise en 1924, voir : Patrick Vérité , « Sur la mise en place du système architectural de Malevič », Revue des Études Slaves, Paris, LXXII/1-2, 2000, p. 191-212.
[3] Cf. le grec apographè, apographikos dans le Bailly, sens III
[4] Kazimir Malévitch, Lettre à Alexandre Benois [1916], in K. Malévitch, Le Miroir suprématiste, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1993, p. 46 : « Moi, je n’ai qu’une seule icône toute nue et sans cadre (comme ma poche), l’icône de mon temps. »
[5] Malévitch avait lui-même tenté de nettoyer la toile pour sa rétrospective à la Galerie Trétiakov en 1929. N’étant pas arrivé à un résultat satisfaisant, il peignit une troisième toile, aux mêmes dimensions que l’archétype (80 x 80 cm), appelée Carré noir qui se trouve toujours à la Trétiakov..
[6] Cf. Matthew Drutt, Kazimir Malevich. Suprematism, New York, Guggenheim Museum, 2003, p. 118-119
[7] Kazimir Malewitsch, Die gegenstandslose Welt, München, Albert Lang, 1927, p. 74 : « le champ » est une surinterprétation, quant au « Rien » (das « Nichts »), c’est un faux-sens caractérisé, puisqu’en russe on a « non-être » (niébytiyé) . Dans la nouvelle traduction allemande, parue dans le catalogue du Fonds Malévitch au Kunstmuseum de Bâle, le sens de « sur fond blanc » est encore plus accentué : « Das Quadrat auf weissem Grund ist selbst die Form, die der Empfindung der Wüste des Nichseins entspringt », alors que Malévitch dit : « Le carré sur blanc (kvadrat na bielom) est la forme qui découle de la sensation du désert du non-être», voir : Kasimir Malewitsch, Die Welt als Ungegenständlichkeit, réd. Britta Tanja Dümpelmann, Hatje Cantz Verlag, Ostfildern/Basel, Kunstmuseum, 2014, p. 192
[8] Alexandre Benois, « La dernière exposition futuriste »[9/21 janvier 1916], in : Kazimir Malévitch, Écrits, Paris, Allia, t. I, 2014, Annexes, p. 615. C’est pourquoi le « carré noir » a pu être compris comme un monochrome – cf. Jean-Claude Marcadé, « De Malévitch à Rodtchenko : les premiers monochromes du XXème siècle (1915-1921) », in catalogue La Couleur seule, Lyon, 1988, p. 63 sqq.
[9] À propos du cadre en tant que parergon du tableau de type européen, voir le commentaire détaillé d’un extrait du § 14 de La Critique de la faculté de juger de Kant, par Jacques Derrida, La Vérité de la peinture, Paris, Flammarion, 1978, p. 62 sqq.
[10] Cf. Kazimir Malévitch, Le Suprématisme. Le monde sans-objet ou le repos éternel (trad. Gérard Conio), CH-Gollion, Infolio, 2011.
[11] Kazimir Malévitch, Du cubisme au suprématisme. Le nouveau réalisme pictural [Pétrograd, 1916], in Écrits, op.cit., p. 43
[12] Kazimir Malévitch, Du cubisme et du futurisme au suprématisme. Le nouveau réalisme pictural [Moscou, 1916], in Écrits, op.cit., p. 65-66 Dans sa lettre du 29 mai 1915 à Mikhaïl Matiouchine, Malévitch écrit : « Nous projetons de faire paraître une revue […] Étant donné que nous avons l’intention d’y réduire tout au zéro, nous avons donc décidé de l’appeler Zéro. Et nous mêmes, après, passerons au-delà du zéro », in Malévitch. Actes du Colloque International tenu au Centre Pompidou, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1979, p. 181. Le projet de créer une revue n’a pas été réalisé, même si tous les matériaux avaient été réunis dès 1916 pour un recueil intitulé alors Supremus qui ne put paraître à cause des événements révolutionnaires de 1917. Voir l’histoire et reconstitution de ce recueil : Alexandra Chatskikh, Kazimir Malévitch i obchtchestvo Souprémous [Kazimir Malévitch et la société Supremus], Moscou, Tri kvadrata, 2009 ; en anglais, Aleksandra Shatskikh, Black Square, New Haven and London, Yale University Press, 2012
[13] Kazimir Malévitch, Du cubisme et du futurisme au suprématisme. Le nouveau réalisme pictural, ibidem
[14] « La contemporanéité peut difficilement tenir dans le triangle, car sa vie à présent est quadrangulaire » ( Note des années 1920)
[15] Das grundliegende suprematistische Element. Das Kvadrat (1927, Kunstmuseum Basel), in : Kasimir Malewitsch, Die Welt als Ungegenständlichkeit, op.cit., p.107
[16] Lettre de K. Malewicz à Pawel Ettinger du 3 avril 1920 (en polonais), Malévitch o sébié [Malévitch par lui-même] (éd. I. Vakar, T. Mikhiyenko], Moscou, RA, 2004, t. I, p.125
[17] Kazimir Malévitch Souprématizm. Momienty iégo razvitiya [ Le Suprématisme. Les phases de son évolution], facsimilé dans Andréi Nakov, Malewicz le peintre absolu, Paris, Thalia, 2006, tome 2, p. 60
[18] Dora Vallier, « Malévitch et le modèle linguistique en peinture », Critique, mai 1975
[19] Kazimir Malévitch, Le Suprématisme 34 dessins [Vitebsk, 1920], in Écrits, op.cit., p. 251
[20] Notons que le mot russe utilisé ici pour « enfant » est mladiénets qui fait partie du vocabulaire littéraire et est, en particulier, employé pour désigner dans la peinture d’icônes l’Enfant-Christ.
[21] Kazimir Malévitch, Du cubisme et du futurisme au suprématisme. Le nouveau réalisme pictural, op.cit., p. 66
[22] Père Paul Florensky, L’Iconostase [1916] in : La Perspective inversée suivi de l’Iconostase (trad. Et annotations de Françoise Lhoest), Lausanne, L’Âge d’Homme, 1992, p. 145
[23] N. Taraboukine, Filosofiya ikony [La philosophie de l’icône] [1916], Moscou, 1999, p. 129. Dans les chefs-d’œuvre de l’École de Novgorod (XIV-XV s.) Taraboukine constate que la couleur y est « saturée, extraordinairement sonore et énergique » (Ibidem)
[24] Kazimir Malévitch, Essai pour déterminer l’interdépendance de la couleur et de la forme en peinture [Kharkiv, 1930], in Écrits, op.cit., p. 575
[25] Le Cercle noir apparaît publiquement pour la première fois comme illustration du petit traité Du cubisme et du futurisme au suprématisme. Le nouveau réalisme pictural, reproduit tête-bêche. Puis il est entré dans la collection de Matiouchine, puis dans celle de Nikolaï Khardjiev, d’où il est passé, via la Galerie Gmurzynska, dans une collection privée.
[26] Dans Die gegenstandslose Welt (Munich, 1927), le dessin, qui se trouve aujourd’hui au Kunstmuseum de Bâle, est reproduit inversé de gauche à droite, p. 68 ; voir l’original dans : Kasimir Malewitsch, Die Welt als Ungegenständlichkeit, op.cit., p.108
[27] Facsimilé du manuscrit dans : christophe czwiklitzer, die handschrift der maler und bildhauer, Bâle, 1976
[28] Sur les deux toiles Un Anglais à Moscou (Stedelijk Museum, Amsterdam) et Composition avec Mona Lisa (Musée Russe, Saint-Pétersbourg) est peint en toutes lettres « Éclipse partielle ».
[29] Kasimir Malewitsch, Die Welt als Ungegenständlichkeit, op.cit., p.109
[30] facsimilé dans Andréi Nakov, Malewicz le peintre absolu, op.cit., p. 213
[31] Voir la reproduction de l’installation dans In Malevich’s Circle: Confederates Students Followers in Russian 1920s – 1950s (éd. Yevghénia Pétrova), Saint-Pétersbourg, Palace Editions, 2000, p. 111. Le dessin original qui a servi à l’agrandissement de l’installation au Ghinkhouk se trouve au Stedelijk Museum d’Amsterdam, Cf. Troels Andersen, op.cit., p. 105, N° 87
[32] Kazimir Malévitch, Lettre de Malévitch à la rédaction d’ « Architecture contemporain » [1928], in Écrits, op.cit., p. 407
[33] Voir le N° 1O, p. 3 du manuscrit dans : christophe czwiklitzer, op.cit. Voir l’analyse que fait de ce nouvel ordre des trois éléments de base du suprématisme , « Sur la mise en place du système architectural de Malevič », op.cit., p. 193 sqq.
[34] Kazimir Malévitch, Lettre de Malévitch à la rédaction d’ « Architecture contemporaine », op.cit., p. 407 Cette formulation est explicitée et développée par Patrick Vérité, « Malevič et l’architecture. À propos des ‘objets-volumo-constructions suprématistes’ », Les Cahiers du Mnam, N° 65, Automne 1998, p. 39-53
[35] Kazimir Malévitch, Dieu n’est pas détrôné. L’Art. L’Église. La Fabrique [1922], in Écrits, op.cit., §§ , 9, 12, 13, p. 315, 318-320
[36] Unovis Collective, Suprematist relief, 1921, Kröller-Müller Museum, Otterlo ; reproduit dans : Leah Dickerman, Inventing Abstraction 1910-1925. How A Radical Idea Changed Modern art, New York, Thames and Hudson, The Museum of Modern Art, 2012, p. 269,
[37] Cf. Philippe Sers, Sur Dada. Essai sur l’expérience dadaïste de l’image. Entretiens avec Hans Richter, Nîmes, Jacqueline Chambon, p. 214