L’Ukrainien Malévitch
Valentine Marcadé, à propos du retour de Malévitch en
Ukraine à la fin des années 1920 :
“Il choisit l’Ukraine pour continuer à faire entendre sa voix. L’explication est claire : en Ukraine, pour très peu de temps encore, la vie artistique put continuer assez librement; la raison majeure, c’est que Malévitch était Ukrainien de naissance. Certes, ses parents étaient Polonais et tous les membres de sa famille parlaient le polonais mais, comme la quasi-totalité de ce pays était composée d’une population mélangée (Ukrainiens de vieille souche, Russes, Polonais, Moldaves, Juifs), on ne peut que s’en tenir aux sentiments exprimés par chaque individualité. Malévitch, dans une variante de sa biographie, affirme, en parlant de lui-même et de son camarade, le peintre Léon Katchevsky : ‘lui et moi nous étions Ukrainiens’. D’autre part, une fois arrivé à Moscou, vers 1906, il fréquenta l’atelier de peinture de Th. Roehrberg, où nous avons vu que travaillaient presque tous les jeunes peintres ukrainiens venus pour suivre des études à Moscou.
Une autre question se pose aussi : est-ce que dans l’oeuvre picturale et dans l’activité artistique de Malévitch existent des réminiscences avec l’art de son pays natal? Sans la moindre hésitation, on peut affirmer que la peinture de chevalet malévitchienne s’inscrit, d’une manière ou d’une autre, dans le cadre de la vie de la campagne ukrainienne dont il admirait depuis l’enfance les couleurs intenses du ciel, des champs vallonnés et bariolés, les habits bigarrés des paysans, la beauté de son art religieux : ‘J’élucidais tout le côté spirituel de l’époque rurale; j’ai compris les paysans à travers l’icône; j’ai compris leurs faces, non pas comme celles des saints, mais comme celle des gens humbles; de même pour la couleur et l’approche du peintre’.”
Valentine Marcadé, Art d’Ukraine, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1990, p. 222