Triste « Carmen » à Aix-en-Provence
Dmitri Tcherniakov a encore sévi! Bien que le présentateur de cette « Carmen » ait répété qu’elle était « bouleversante », pour moi, elle est un attentat à la musique, avec des accumulations inutiles d’objets et de personnages inventés par le metteur en scène, ce qui doit coûter une fortune, mais surtout elle empêche d’ entendre les sonorités tragiques de l’oeuvre. Cela est tout particulièrement évident dans le quatrième acte qui est un des moments les plus sublimes de l’histoire de l’opéra et qui, ici, est salopé par Tcherniakov, qui s’est livré à un mauvais pastiche de l’expressionnisme allemand des années 1920. On a les ingrédients de « nos valeurs » : sexe, impudicité, blasphème, policiers avec kalachnikovs et tutti quanti. Contre ce psychologisme et physiologisme délirants des mises en scène de Tcherniakov, on rêve de la venue d’un nouvel Adolph Appia, pour qu’enfin, dans une nudité pleine, on puisse ENTENDRE LA MUSIQUE! Les voix de Stéphanie d’Oustrac, d’Elsa Dreisig et de Michael Fabiano étaient magnifiques…
Resouvenons-nous de la géniale relecture de « Carmen » par Peter Brook (avec le compositeur Marius Constant et Jean-Claude Carrière) au Théâtre des Bouffes du Nord à l’automne 1981 (un film en a été tiré). Là, pas d’accumulations d’objets, mais un espace vidé des mascarades pseudo-intellectuelles à la Tcherniakov ou Warlikowski et tous ceux qui, comme eux, ne servent pas la musique mais s’en servent…