Le Monde selon Ravanello

Russie : Poutine, l’heure de la revanche a sonné

Par | Le Monde selon Ravanello – mar. 18 juin 2013

 

“Ce n’est pas un G8, c’est un G7 plus 1”. Le diplomate qui lâche cette phrase en marge de la réunion des chefs d’Etat en Irlande du nord a tellement raison. Mais plus encore que cela. “G7 plus 1”, c’était aussi le nom donné au G7 où pour la première fois la Russie avait été invitée. G7 plus un strapontin pour la Russie. Boris Eltsine était en bout de table, “accepté” par les grandes puissances qui lui expliquaient qu’un jour, s’il suivait bien les conseils du FMI et des libéraux, il pourrait un jour être membre de plein droit. Aujourd’hui, le rapport de force est inversé. Poutine est seul, mais il tord le bras aux autres, impuissants devant son refus de céder sur la Syrie. Il est dans le rôle, dans le camp des méchants mais qu’importe ! Il a enfin ce qu’il cherche depuis des années : il tient la dragée haute aux Américains et aux Européens. C’est l’heure de sa revanche.

Pendant 20 ans, le monde a tourné sans se préoccuper vraiment des Russes, bien soulagé d’avoir tourné la page de la guerre froide. L’URSS s’était écroulée. À Moscou, on n’avait qu’une préoccupation. Ne pas sombrer corps et biens dans les limbes de l’histoire, préserver son territoire, son économie et basculer dans ce monde inconnu qu’était le libéralisme. Les Américains avaient la main haute sur l’ONU. Il suffisait que Washington prenne le temps de discuter avec la vieille Europe, de lui montrer son respect, d’écouter ses conseils et c’était plié. On était passé d’un monde bipolaire (USA/URSS) à un monde sous leadership américain. Le charisme de Bill Clinton suffisait à faire passer la pilule. Pour intervenir au Kosovo, l’ONU a été laissée de côté et c’est sans mandat international que l’OTAN a mené avec l’accord de l’Europe l’opération militaire. Avec G. Bush, les choses ont commencé à se compliquer. Sa brutalité à succédé au charme de Clinton. Les russes n’avaient pas les moyens de s’opposer.

Les Russes ont le sentiment de s’être fait rouler dans la farine

Aujourd’hui, les Russes ont parfaitement intégré les règles du libéralisme. Trop bien même au goût de certains ! Sur la scène internationale, la Russie a progressivement poussé ses pions. Elle devenait de plus en plus raide, mais on pouvait encore discuter avec elle. La ligne rouge a été franchie avec la Libye. La Russie ne voulait pas renverser Kadhafi. Dans l’esprit des Russes, l’intervention de l’ONU pour protéger les populations civiles était censée être un avertissement. Rien de plus. Moscou a donc laissé faire et s’est abstenu, permettant à l’ONU le vote de la résolution. On connait la suite. Changement de régime à Tripoli, et des Russes qui ont eu le sentiment de s’être fait rouler dans la farine par les Américains et les Français.

Poutine prend donc sa revanche. Il ne lâchera pas le régime syrien. Par intérêt, un peu. Par peur de voir toute la région tomber aux mains des islamistes comme en Egypte aussi. Mais surtout pour dire haut et fort aux puissances du G7 “nous sommes de retour et il va falloir compter avec nous”. Ce G8 marquera sans doute la fin d’une parenthèse au final assez confortable pour les Américains et les Européens. Le monde redevient multipolaire et l’émergence de la Chine, de l’Inde ou du Brésil va encore accentuer le mouvement. Et un monde multipolaire comme il y a deux siècles, c’est bigrement plus compliqué…

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Olivier Ravanello

Après des débuts au service international de LCI où il devient grand-reporter notamment au Proche et au Moyen-Orient, Olivier Ravanello remporte la 2e place du prix Bayeux pour son reportage La police israélienne face aux attentats-suicides. Deux mois de reportages dans l’Irak en guerre, la couverture de la réélection de George Bush Junior, son poste de correspondant permanent à Moscou pour TF1 et LCI et le prix de la presse diplomatique ont fait de lui un véritable expert en questions internationales. Depuis son arrivée à i>TELE en 2009, Olivier Ravanello est ainsi le spécialiste des questions internationales pour la chaîne. A la rentrée 2012, il présente plusieurs chroniques Le Monde en plus à 19h20 et Le Monde ne dort jamais à 23h15.