Nikolai Gedda (1925-2017)
Dans les articles nécrologiques consacrés au ténor suédois Nikolai Gedda on ne signale pas sa participation au superbe enregistrement par Igor Markevitch de La vie pour le tsar de Glinka; Gedda y chante Bogdan Sobinine. Le ténor avait des racines russes par son père et avait été imprégné de culture russe par sa tante paternelle et le mari de celle-ci Mikhaïl Ustinov qui l’avaient élevé.
Glinka, Mikhail
Une vie pour le tsar
Opéra patriotico-héroïque en 4 actes et un épilogue,
livret du baron Rosen, sur une idée de Vassili Joukovski
Créé au Théâtre Bolchoï Kamenniï, Saint-Pétersbourg, le 29 novembre 1836
Ivan Soussanine
Boris Christoff
Antonida
Teresa Stich-Randall
Bogdan Sobinine
Nicolaï Gedda
Vania
Mela Bugarinovic
Choeur de l’Opéra de Belgrade
Orchestre Lamoureux
Direction musicale
Igor Markevitch
Enregistré à Paris, Salle de la Mutualité, en novembre-décembre1957
2 CD Urania Records WS 121.137 – 76’54 + 78’0
Laurent Bury écrivait le 6 Février 2012 :
« 1957 fut l’année du centenaire de la mort de Glinka, ce fut aussi l’année où Igor Markevitch, dont le grand-père avait l’habitude de recevoir chez lui le compositeur, prit la direction de l’Orchestre des Concerts Lamoureux, alors réputé être le meilleur de France. Deux excellentes raisons d’enregistrer pour La Voix de son Maître le premier des deux opéras de Glinka, [..]. Si Rousslan et Ludmilla avait retenu l’attention de Valery Gergiev dès 1995 (superbe DVD Universal, avec la toute jeune Netrebko) et a connu tout récemment les honneurs du Bolchoï dans une production de Dmitri Tcherniakov, l’autre opéra de Glinka est curieusement négligé, alors que les beautés en sont grandes. Malgré son titre devenu politiquement incorrect – hommage du compositeur à Nicolas Ier, alors qu’Ivan Soussanine était le titre initialement prévu –, le régime soviétique était même parvenu à sauver cet opéra, au prix d’une réécriture du livret qui éliminait toute référence au tsar…
Par ailleurs, la prise de son accuse très nettement son âge, mais il n’est pas interdit de trouver un charme indéniable à ce type d’enregistrement. Musicologiquement parlant, cette version n’est sans doute pas irréprochable : elle présente la partition telle que « révisée » par Rimsky-Korsakov et Glazounov, et quelque peu amputée par rapport à ce que le compositeur avait écrit. A titre indicatif, la version Tchakarov dure 210 minutes, contre 155 pour celle-ci, soit près d’une heure de différence : certes, une vingtaine de minutes ont été coupées, dans le finale de l’acte III et dans l’épilogue, mais pour le reste l’écart tient aux différences de tempo, car Markevitch dirige véritablement avec une fougue impressionnante.
Après son chef, l’autre atout de cette version est évidemment l’interprète du personnage principal. De son timbre d’airain, Boris Christoff avait chanté le rôle en novembre 1954 pour la RAI, aux côtés de Virginia Zeani (CD Andromeda). Au printemps 1959, alors qu’il le chantait à la Scala, avec Scotto, Cossotto et Gianni Raimondi, un critique écrirait : « « Quand Boris Christoff chanta le grand air de Soussanine [au IVe acte], ce n’était plus lui que l’on écoutait, mais le chant même transformé en poésie ». Beaucoup considèrent ce Glinka comme l’un de ses plus beaux enregistrements. Egalement avec Christoff, Mela Bugarinovic participa à l’enregistrement de Boris Godounov, dirigé par André Cluytens, pour EMI en 1962. Et comme elle chantait déjà à l’Opéra de Vienne dans les années 1940 (Brangäne, Herodias, Quickly), autant dire qu’elle ne compose pas le plus juvénile des Vania, mais la voix est somptueuse.
Teresa Stich-Randall venait de participer à l’enregistrement légendaire du Chevalier à la rose l’année précédente. Pour Sophie, on avait voulu une voix sans vibrato, et la soprano américaine fut longtemps portée aux nues pour la pureté instrumentale de son timbre. Ce côté désincarné, qui dégage parfois autant de chaleur humaine que les ondes Martenot, ne séduit sans doute plus autant, mais la chanteuse offre une prestation techniquement impeccable. Nicolaï Gedda lui donne idéalement la réplique, dardant des aigus magnifiques, avec une vaillance dont il n’était peut-être pas spécialiste, mais qu’il pouvait fort bien assumer en studio. Somme toute, une référence, pour le prince Markevitch et le tsar Christoff, mais l’entourage n’est pas mal non plus ! »